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Page:Dumas - La Femme au collier de velours, 1861.djvu/197

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et les faiseurs de tours qui s’escrimaient dans celui du Palais-Égalité, étaient d’un autre genre que cet acrobate anglais, monsieur Price, qui, quelques années auparavant, avait tant émerveillé la France, et qui a enfanté les Mazurier et les Auriol.

Le cirque était occupé dans ce temps-là par les Amis de la vérité, qui y donnaient des représentations, et que l’on pouvait voir fonctionner pourvu qu’on fût abonné au journal la Bouche de fer. Avec son numéro du matin, on était admis le soir dans ce lieu de délices, et l’on entendait les discours de tous les fédérés, réunis, disaient-ils, dans le louable but de protéger les gouvernans et les gouvernés, d’impartialiser les lois, et d’aller chercher dans tous les coins du monde un ami de la vérité, de quelque pays, de quelque couleur, de quelque opinion qu’il fût, puis, la vérité découverte, on l’enseignait aux hommes.

Comme vous le voyez, il y a toujours eu en France des gens convaincus que c’était à eux qu’il appartenait d’éclairer les masses, et que le reste de l’humanité n’était qu’une peuplade absurde.

Qu’a fait le vent, qui a passé, du nom, des idées et des vanités de ces gens-là ?

Cependant le Cirque faisait son bruit dans le Palais-Égalité, au milieu du bruit général, et mêlait sa partie criarde au grand concert qui s’éveillait chaque soir dans ce jardin.

Car, il faut le dire, en ces temps de misère, d’exil, de terreurs et de proscriptions, le Palais-Royal était devenu le centre où la vie, comprimée tout le jour dans les passions et dans les luttes, venait, la nuit, chercher le rêve et s’efforcer d’oublier cette vérité à la recherche de laquelle