Page:Dumas - La Femme au collier de velours, 1861.djvu/216

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C’était la silhouette de la hideuse machine, dont le vent de la nuit séchait la bouche humide de sang, et qui dormait en attendant sa file quotidienne.

C’était pendant le jour qu’Hoffmann ne voulait plus revoir cette place ; c’était à cause du sang qui y coulait qu’il ne voulait plus s’y trouver ; mais, la nuit, ce n’était plus la même chose ; il y avait pour le poëte, chez qui, malgré tout, l’instinct poétique veillait sans cesse, il y avait de l’intérêt à voir, à toucher du doigt, dans le silence et dans l’ombre, le sinistre échafaudage dont l’image sanglante devait, à l’heure qu’il était, se présenter à bien des esprits.

Quel plus beau contraste, en sortant de la salle bruyante du jeu, que cette place déserte, et dont l’échafaud était l’hôte éternel ! après le spectacle de la mort, de l’abandon, de l’insensibilité !

Hoffmann marchait donc vers la guillotine comme attiré par une force magnétique.

Tout à coup, et sans presque savoir comment cela s’était fait, il se trouva face à face avec elle.

Le vent sifflait dans les planches.

Hoffmann croisa ses mains sur sa poitrine et regarda.

Que de choses durent naître dans l’esprit de cet homme, qui, les poches pleines d’or, et comptant sur une nuit de volupté, passait solitairement cette nuit en face d’un échafaud !

Il lui sembla, au milieu de ses pensées, qu’une plainte humaine se mêlait aux plaintes du vent.

Il pencha la tête en avant et prêta l’oreille.

La plainte se renouvela, venant non pas de loin, mais de bas.