Page:Dumas - La Femme au collier de velours, 1861.djvu/67

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puérile. L’or suivait l’or, et l’or engendrait l’or. Enfin, deux heures du matin sonnèrent, c’était l’heure de la fermeture de l’établissement, le jeu cessa ; les deux jeunes gens, sans compter, prirent chacun une charge d’or. Zacharie, qui ne pouvait croire que toute cette fortune était à lui, sortit le premier ; Hoffmann allait le suivre, quand un vieil officier, qui ne l’avait pas perdu de vue pendant tout le temps qu’il avait joué, l’arrêta comme il allait franchir le seuil de la porte.

— Jeune homme, dit-il en lui posant la main sur l’épaule et en le regardant fixement, si vous y allez de ce train-là, vous ferez sauter la banque, j’en conviens ; mais quand la banque aura sauté, vous n’en serez qu’une proie plus sûre pour le diable.

Et, sans attendre la réponse d’Hoffmann, il disparut. Hoffmann sortit à son tour, mais il n’était plus le même. La prédiction du vieux soldat l’avait refroidi comme un bain glacé, et cet or, dont ses poches étaient pleines, lui pesait. Il lui semblait porter son fardeau d’iniquités.

Werner l’attendait joyeux. Tous deux revinrent ensemble chez Hoffmann, l’un riant, dansant, chantant ; l’autre rêveur, presque sombre.

Celui qui riait, dansait, chantait, c’était Werner ; celui qui était rêveur et presque sombre, c’était Hoffmann.

Tous deux, au reste, décidèrent de partir le lendemain soir pour la France.

Ils se séparèrent en s’embrassant.

Hoffmann, resté seul, compta son or.

Il avait cinq mille thalers, vingt-trois ou vingt-quatre mille francs.