Page:Dumas - La Reine Margot (1886), tome 2.djvu/148

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— Fais, de Mouy, fais ; mais quelles sont tes affaires ?

— Écoutez, sire. Orthon m’a dit (c’est un garçon fort intelligent que je recommande à Votre Majesté) ; Orthon m’a dit hier avoir rencontré près de l’Arsenal ce brigand de Maurevel, qui est rétabli grâce aux soins de René, et qui se réchauffe au soleil comme un serpent qu’il est.

— Ah ! oui, je comprends, dit Henri.

— Ah ! vous comprenez, bon… Vous serez roi un jour, vous, sire, et si vous avez quelque vengeance du genre de la mienne à accomplir, vous l’accomplirez en roi. Je suis un soldat, et je dois me venger en soldat. Donc quand toutes nos petites affaires seront arrangées, ce qui donnera à ce brigand-là cinq ou six journées encore pour se remettre, j’irai, moi aussi, faire un tour du côté de l’Arsenal, et je le clouerai au gazon de quatre bons coups de rapière, après quoi je quitterai Paris le cœur moins gros.

— Fais tes affaires, mon ami, fais tes affaires, dit le Béarnais. À propos, tu es content de La Mole, n’est-ce pas ?

— Ah ! charmant garçon qui vous est dévoué corps et âme, sire, et sur lequel vous pouvez compter comme sur moi… brave…

— Et surtout discret ; aussi nous suivra-t-il en Navarre, de Mouy ; une fois arrivés là, nous cherchons ce que nous devons faire pour le récompenser.

Comme Henri achevait ces mots avec son sourire narquois, la porte s’ouvrit ou plutôt s’enfonça, et celui dont on faisait l’éloge au moment même parut, pâle et agité.

— Alerte, sire, s’écria-t-il, alerte ! la maison est cernée.

— Cernée ! s’écria Henri en se levant : par qui ?

— Par les gardes du roi.

— Oh ! oh ! dit de Mouy en tirant ses pistolets de sa ceinture, bataille, à ce qu’il paraît.

— Ah ! oui, dit La Mole, il s’agit bien de pistolets et de bataille ! que voulez-vous faire contre cinquante hommes ?

— Il a raison, dit le roi, et s’il y avait quelque moyen de retraite…

— Il y en a un qui m’a déjà servi à moi, et si Votre Majesté veut me suivre…

— Et de Mouy ?

— M. de Mouy peut nous suivre aussi, s’il veut ; mais il faut que vous vous pressiez tous deux.