Page:Dumas - La Reine Margot (1886), tome 2.djvu/176

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fauconnerie, lançait le leurre en rappelant le faucon et en courant au grand galop de son cheval dans les herbes d’un marécage. Si violente que fût la volonté du duc, le souvenir triomphait de sa volonté.

Puis, ce n’était pas seulement le livre qu’il voyait, c’était le roi de Navarre s’approchant de ce livre, regardant cette image, essayant de tourner les pages, et, empêché par l’obstacle qu’elles opposaient, triomphait de l’obstacle en mouillant son pouce et en forçant les feuillets à glisser.

Et à cette vue, toute fictive et toute fantastique qu’elle était, d’Alençon chancelant était forcé de s’appuyer d’une main à un meuble, tandis que de l’autre il couvrait ses yeux, comme si, les yeux couverts, il ne voyait pas encore mieux le spectacle qu’il voulait fuir.

Ce spectacle était sa propre pensée.

Tout à coup d’Alençon vit Henri qui traversait la cour ; celui-ci s’arrêta quelques instants devant des hommes qui entassaient sur deux mules des provisions de chasse qui n’étaient autres que de l’argent et des effets de voyage, puis, ses ordres donnés, il coupa diagonalement la cour, et s’achemina visiblement vers la porte d’entrée.

D’Alençon était immobile à sa place. Ce n’était donc pas Henri qui était monté par l’escalier secret. Toutes ces angoisses qu’il éprouvait depuis un quart d’heure, il les avait donc éprouvées inutilement. Ce qu’il croyait fini ou près de finir était donc à recommencer.

D’Alençon ouvrit la porte de sa chambre, puis, tout en la tenant fermée, il alla écouter à celle du corridor. Cette fois, il n’y avait pas à se tromper, c’était bien Henri. D’Alençon reconnut son pas et jusqu’au bruit particulier de la mollette de ses éperons.

La porte de l’appartement de Henri s’ouvrit et se referma, D’Alençon rentra chez lui et tomba dans un fauteuil.

— Bon ! se dit-il, voici ce qui se passe à cette heure : il a traversé l’antichambre, la première pièce, puis il est parvenu jusqu’à la chambre à coucher ; arrivé là, il aura cherché des yeux son épée, puis sa bourse, puis son poignard, puis enfin il aura trouvé le livre tout ouvert sur son dressoir.

— Quel est ce livre ? se sera-t-il demandé ; qui m’a apporté ce livre ?

Puis il se sera rapproché, aura vu cette gravure représen-