Page:Dumas - La Reine Margot (1886), tome 2.djvu/180

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— Ah ! au diable ! dit Charles, dont les joues pâles s’empourpraient peu à peu, soit qu’il eût mis une trop grande ardeur à sa lecture, soit que le poison commençât à agir ; au diable ! si tu viens encore me parler de la même chose, tu partiras comme est parti le roi de Pologne. Je me suis débarrassé de lui, je me débarrasserai de toi, et plus un mot là-dessus.

— Aussi, mon frère, dit François, ce n’est point de mon départ que je veux vous entretenir, mais de celui d’un autre. Votre Majesté m’a atteint dans mon sentiment le plus profond et le plus délicat, qui est mon dévouement pour elle comme frère, ma fidélité comme sujet, et je tiens à lui prouver que je ne suis pas un traître, moi.

— Allons, dit Charles en s’accoudant sur le livre, en croisant ses jambes l’une sur l’autre, et en regardant d’Alençon en homme qui fait contre ses habitudes provision de patience ; allons, quelque bruit nouveau, quelque accusation matinale ?

— Non, sire. Une certitude, un complot que ma ridicule délicatesse m’avait seule empêché de vous révéler.

— Un complot ? dit Charles, voyons le complot.

— Sire, dit François, tandis que Votre Majesté chassera au vol près de la rivière et dans la plaine du Vesinet, le roi de Navarre gagnera la forêt de Saint-Germain, une troupe d’amis l’attend dans cette forêt et il doit fuir avec eux.

— Ah ! je le savais bien, dit Charles. Encore une bonne calomnie contre mon pauvre Henriot ! Ah çà ! en finirez-vous avec lui ?

— Votre Majesté n’aura pas besoin d’attendre longtemps au moins pour s’assurer si ce que j’ai l’honneur de lui dire est ou non une calomnie.

— Et comment cela ?

— Parce que ce soir notre beau-frère sera parti.

Charles se leva.

— Écoutez, dit-il, je veux bien une dernière fois encore avoir l’air de croire à vos intentions ; mais je vous en avertis, toi et ta mère, cette fois c’est la dernière.

Puis haussant la voix :

— Qu’on appelle le roi de Navarre ! ajouta-t-il.

Un garde fit un mouvement pour obéir ; mais François l’arrêta d’un signe.