Page:Dumas - La Reine Margot (1886), tome 2.djvu/205

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Si vous m’aimez, vous devez désirer que je vive, n’est-ce pas ?

— J’aurais été désespéré qu’il t’arrivât malheur.

— Eh bien, sire, deux fois Votre Majesté a bien manqué de tomber dans le désespoir.

— Comment cela ?

— Oui, car deux fois la Providence seule m’a sauvé la vie. Il est vrai que la seconde fois la Providence avait pris les traits de Votre Majesté.

— Et la première fois quelle marque avait-elle prise ?

— Celle d’un homme qui serait bien étonné de se voir confondu avec elle, de René. Oui, vous, sire, vous m’avez sauvé du fer.

Charles fronça le sourcil, car il se rappelait la nuit où il avait emmené Henriot rue des Barres.

— Et René ? dit-il.

— René m’a sauvé du poison.

— Peste ! tu as de la chance, Henriot, dit le roi en essayant un sourire dont une vive douleur fit une contraction nerveuse. Ce n’est pas là son état.

— Deux miracles m’ont donc sauvé, sire. Un miracle de repentir de la part du Florentin, un miracle de bonté de votre part. Eh bien ! je l’avoue à Votre Majesté, j’ai peur que le ciel ne se lasse de faire des miracles, et j’ai voulu fuir en raison de cet axiome : Aide-toi, le ciel t’aidera.

— Pourquoi ne m’as-tu pas dit cela plus tôt, Henri ?

— En vous disant ces mêmes paroles hier, j’étais un dénonciateur.

— Et en me les disant aujourd’hui ?

— Aujourd’hui, c’est autre chose ; je suis accusé et je me défends.

— Es-tu sûr de cette première tentative, Henriot ?

— Aussi sûr que de la seconde.

— Et l’on a tenté de t’empoisonner ?

— On l’a tenté.

— Avec quoi ?

— Avec de l’opiat.

— Et comment empoisonne-t-on avec de l’opiat ?

— Dame ! sire, demandez à René ; on empoisonne bien avec des gants…

Charles fronça le sourcil ; puis peu à peu sa figure se dérida.