Page:Dumas - La Reine Margot (1886), tome 2.djvu/244

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— Oui, après toute condamnation à mort, c’est l’usage de permettre que le condamné passe la nuit dans la chapelle.

Coconnas et La Mole tressaillirent et se regardèrent en même temps.

— Vous croyez donc que nous serons condamnés à mort ?

— Sans doute… mais vous aussi, vous le croyiez.

— Comment ! nous aussi, dit La Mole.

— Certainement… si vous ne le croyiez pas, vous n’auriez pas tout préparé pour votre fuite.

— Sais-tu que c’est plein de sens ce qu’il dit là ! fit Coconnas à La Mole.

— Oui… ce que je sais aussi, maintenant du moins, c’est que nous jouons gros jeu, à ce qu’il paraît.

— Et moi donc ! dit le guichetier, croyez-vous que je ne risque rien ?.. Si dans un moment d’émotion Monsieur allait se tromper de côté !…

— Eh ! mordi ! je voudrais être à ta place, dit lentement Coconnas, et ne pas avoir affaire à d’autres mains qu’à cette main, à d’autre fer que celui qui te touchera.

— Condamnés à mort ! murmura La Mole, mais c’est impossible !

— Impossible ! dit naïvement le guichetier, et pourquoi ?

— Chut ! dit Coconnas, je crois que l’on ouvre la porte d’en bas.

— En effet, reprit vivement le geôlier ; rentrez, Messieurs ! rentrez !

— Et quand croyez-vous que le jugement ait lieu ? demanda La Mole.

— Demain au plus tard. Mais soyez tranquilles, les personnes qui doivent être prévenues le seront.

— Alors embrassons-nous et faisons nos adieux à ces murs.

Les deux amis se jetèrent dans les bras l’un de l’autre, et rentrèrent chacun dans sa chambre, La Mole soupirant, Coconnas chantonnant.

Il ne se passa rien de nouveau jusqu’à sept heures du soir. La nuit descendit sombre et pluvieuse sur le donjon de Vincennes, une vraie nuit d’évasion. On apporta le repas du soir de Coconnas, lequel soupa avec son appétit ordinaire, tout en songeant au plaisir qu’il aurait à être mouillé par cette pluie qui fouettait les murailles, et déjà il se préparait à