Page:Dumas - La Reine Margot (1886), tome 2.djvu/273

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— Oui, et d’après ta promesse on t’attend ; de sorte que si tu ne venais pas on serait étonné de ne pas t’y voir.

— Excusez-moi, mon frère, dit Marguerite ; vous le voyez, je suis bien souffrante.

— Faites un effort sur vous-même.

Marguerite parut un instant tentée de rappeler son courage, puis tout à coup s’abandonnant et laissant retomber sa tête sur ses coussins :

— Non, non, je n’irai pas, dit-elle.

Charles lui prit la main, s’assit sur sa chaise longue, et lui dit :

— Tu viens de perdre un ami, je le sais, Margot ; mais regarde-moi, n’ai-je pas perdu tous mes amis, moi ! et de plus, ma mère ! Toi, tu as toujours pu pleurer à l’aise comme tu pleures en ce moment ; moi, à l’heure de mes plus fortes douleurs, j’ai toujours été forcé de sourire. Tu souffres, regarde-moi ! moi, je meurs. Eh bien, Margot, voyons, du courage ! Je te le demande, ma sœur, au nom de notre gloire ! Nous portons comme une croix d’angoisses la renommée de notre maison, portons-la comme le Seigneur jusqu’au Calvaire ; et si sur la route, comme lui, nous trébuchons, relevons-nous courageux et résignés comme lui.

— Oh ! mon Dieu, mon Dieu ! s’écria Marguerite.

— Oui, dit Charles répondant à sa pensée ; oui, le sacrifice est rude, ma sœur ; mais chacun fait le sien, les uns de leur honneur, les autres de leur vie. Crois-tu qu’avec mes vingt-cinq ans et le plus beau trône du monde, je ne regrette pas de mourir ? Eh bien, regarde-moi… mes yeux, mon teint, mes lèvres sont d’un mourant, c’est vrai ; mais mon sourire… est-ce que mon sourire ne ferait pas croire que j’espère ? Et, cependant, dans huit jours, un mois tout au plus, tu me pleureras, ma sœur, comme celui qui est mort aujourd’hui.

— Mon frère !… s’écria Margot en jetant ses deux bras autour du cou de Charles.

— Allons, habillez-vous, chère Marguerite, dit le roi ; cachez votre pâleur et paraissez au bal. Je viens de donner ordre qu’on vous apporte des pierreries nouvelles et des ajustements dignes de votre beauté.

— Oh ! des diamants, des robes, dit Marguerite, que m’importe tout cela maintenant !

— La vie est longue, Marguerite, dit en souriant Charles, pour toi du moins.