Page:Dumas - La Reine Margot (1886), tome 2.djvu/297

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— Est-ce la reine mère aussi qui t’a ordonné de me dire cela ? demanda Henri plein de doute et d’angoisses.

— Non, dit René, mais écoutez un secret.

Et il se pencha encore davantage. Henri l’imita, de sorte que les deux têtes se touchaient presque.

Cet entretien de deux hommes courbés sur le corps d’un roi mourant avait quelque chose de si sombre, que les cheveux du superstitieux Florentin se dressaient sur sa tête et qu’une sueur abondante perlait sur le visage de Henri.

— Écoutez, continua René, écoutez un secret que je sais seul, et que je vous révèle si vous me jurez sur ce mourant de me pardonner la mort de votre mère.

— Je vous l’ai déjà promis une fois, dit Henri dont le visage s’assombrit.

— Promis, mais non juré, dit René en faisant un mouvement en arrière.

— Je le jure, dit Henri étendant la main droite sur la tête du roi.

— Eh bien, sire, dit précipitamment le Florentin, le roi de Pologne arrive !

— Non, dit Henri, le courrier a été arrêté par le roi Charles.

— Le roi Charles n’en a arrêté qu’un sur la route de Château-Thierry ; mais la reine mère, dans sa prévoyance, en avait envoyé trois par trois routes.

— Oh ! malheur à moi ! dit Henri.

— Un messager est arrivé ce matin de Varsovie. Le roi partait derrière lui sans que personne songeât à s’y opposer, car à Varsovie on ignorait encore la maladie du roi. Il ne précède Henri d’Anjou que de quelques heures.

— Oh ! si j’avais seulement huit jours ! dit Henri.

— Oui, mais vous n’avez pas huit heures. Avez-vous entendu le bruit des armes que l’on préparait ?

— Oui.

— Ces armes, on les préparait à votre intention. Ils viendront vous tuer jusqu’ici, jusque dans la chambre du roi.

— Le roi n’est pas mort encore.

René regarda fixement Charles :

— Dans dix minutes il le sera. Vous avez donc dix minutes à vivre, peut-être moins.

— Que faire alors ?