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Page:Dumas - La Reine Margot (1886), tome 2.djvu/308

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malheur, Monsieur. C’est une belle jeune femme qui vient d’être poignardée par son mari, à qui l’on avait remis un billet pour le prévenir que sa femme était avec un amant.

— Et le mari ? s’écria Henri.

— Il est sauvé.

— La femme ?

— Elle est là.

— Morte ?

— Pas encore ; mais, Dieu merci, elle n’en vaut guère mieux.

— Oh ! s’écria Henri, je suis donc maudit !

Et il s’élança dans la maison.

La chambre était pleine de monde, tout ce monde entourait un lit sur lequel était couchée la pauvre Charlotte percée de deux coups de poignard.

Son mari, qui pendant deux ans avait dissimulé sa jalousie contre Henri, avait saisi cette occasion de se venger d’elle.

— Charlotte ! Charlotte ! cria Henri fendant la foule et tombant à genoux devant le lit.

Charlotte rouvrit ses beaux yeux déjà voilés par la mort ; elle jeta un cri qui fit jaillir le sang de ses deux blessures, et faisant un effort pour se soulever :

— Oh ! je savais bien, dit-elle, que je ne pouvais pas mourir sans le revoir.

Et en effet, comme si elle n’eût attendu que ce moment pour rendre à Henri cette âme qui l’avait tant aimé, elle appuya ses lèvres sur le front du roi de Navarre, murmura encore une dernière fois : Je t’aime, et retomba expirée.

Henri ne pouvait rester plus longtemps sans se perdre. Il tira son poignard, coupa une boucle de ses beaux cheveux blonds qu’il avait si souvent dénoués pour en admirer la longueur, et sortit en sanglotant au milieu des sanglots des assistants, qui ne se doutaient pas qu’ils pleuraient sur de si hautes infortunes.

— Ami, amour, s’écria Henri éperdu, tout m’abandonne, tout me quitte, tout me manque à la fois !

— Oui, sire, lui dit tout bas un homme qui s’était détaché du groupe de curieux amassé devant la petite maison et qui l’avait suivi, mais vous avez toujours le trône.

— René ! s’écria Henri.

— Oui, sire, René qui veille sur vous : ce misérable en