Page:Dumas - La Reine Margot (1886), tome 2.djvu/33

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en vain parmi ces trois hommes couchés dans leur sang le cadavre qu’elle espérait.

Maurevel reconnut Catherine ; ses yeux se dilatèrent horriblement, et il tendit vers elle un geste désespéré.

— Eh bien, dit-elle à demi voix, où est-il ? qu’est-il devenu ? Malheureux ! l’auriez-vous laissé échapper ?

Maurevel essaya d’articuler quelques paroles, mais un sifflement inintelligible sortit seul de sa blessure, une écume rougeâtre frangea ses lèvres, et il secoua la tête en signe d’impuissance et de douleur.

— Mais parle donc ! s’écria Catherine, parle donc ! ne fût-ce que pour me dire un seul mot !

Maurevel montra sa blessure, et fit entendre de nouveau quelques sons inarticulés, tenta un effort qui n’aboutit qu’à un rauque râlement et s’évanouit.

Catherine alors regarda autour d’elle : elle n’était entourée que de cadavres et de mourants ; le sang coulait à flots par la chambre, et un silence de mort planait sur toute cette scène.

Encore une fois elle adressa la parole à Maurevel, mais sans le réveiller : cette fois, il demeura non seulement muet, mais immobile ; un papier sortait de son pourpoint, c’était l’ordre d’arrestation signé du roi. Catherine s’en saisit et le cacha dans sa poitrine.

En ce moment Catherine entendit derrière elle un léger froissement de parquet ; elle se retourna et vit debout, à la porte de la chambre, le duc d’Alençon, que le bruit avait attiré malgré lui, et que le spectacle qu’il avait sous les yeux fascinait.

— Vous ici ? dit-elle.

— Oui, Madame. Que se passe-t-il donc, mon Dieu ? demanda le duc.

— Retournez chez vous, François, et vous apprendrez assez tôt la nouvelle.

D’Alençon n’était pas aussi ignorant de l’aventure que Catherine le supposait. Aux premiers pas retentissant dans le corridor, il avait écouté. Voyant entrer des hommes chez le roi de Navarre, il avait, en rapprochant ce fait des paroles de Catherine, deviné ce qui allait se passer, et s’était applaudi de voir un ami si dangereux détruit par une main plus forte que la sienne.