— Sortez-vous donc du Louvre ?
— Non, Votre Altesse ; je vais présenter mes hommages à Sa Majesté la reine de Navarre.
— Vers quelle heure sortirez-vous de chez elle, monsieur de La Mole ?
— Monseigneur a-t-il quelques ordres à me donner ?
— Non, pas pour le moment, mais j’aurai à vous parler ce soir.
— Vers quelle heure ?
— Mais de neuf à dix.
— J’aurai l’honneur de me présenter à cette heure-là chez Votre Altesse.
— Bien, je compte sur vous.
La Mole salua et continua son chemin.
— Ce duc, dit-il, a des moments où il est pâle comme un cadavre ; c’est singulier.
Et il frappa à la porte de la reine : Gillonne, qui semblait guetter son arrivée, le conduisit près de Marguerite.
Celle-ci était occupée d’un travail qui paraissait la fatiguer beaucoup ; un papier chargé de ratures et un volume d’Isocrate étaient placés devant elle. Elle fit signe à La Mole de la laisser achever un paragraphe ; puis, ayant terminé, ce qui ne fut pas long, elle jeta sa plume, et invita le jeune homme à s’asseoir près d’elle.
La Mole rayonnait. Il n’avait jamais été si beau, jamais si gai.
— Du grec ! s’écria-t-il en jetant les yeux sur le livre : une harangue d’Isocrate ! Que voulez-vous faire de cela ? Oh ! oh ! sur ce papier du latin : Ad Sarmatiæ legatos reginæ Margaritæ concio ! Vous allez donc haranguer ces barbares en latin ?
— Il le faut bien, dit Marguerite, puisqu’ils ne parlent pas français.
— Mais comment pouvez-vous faire la réponse avant d’avoir le discours ?
— Une plus coquette que moi vous ferait croire à une improvisation : mais pour vous, mon Hyacinthe, je n’ai point de ces sortes de tromperies ; on m’a communiqué d’avance le discours, et j’y réponds.
— Sont-ils donc près d’arriver, ces ambassadeurs ?
— Mieux que cela, ils sont arrivés ce matin.