Page:Dumas - La Reine Margot (1886), tome 2.djvu/87

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— Ma foi, continua Henri, mon frère d’Alençon ne vaut guère mieux et ne vous aime pas davantage.

— Enfin, reprit Catherine, qu’a dit Lasco ?

— Lasco a hésité lui-même quand je l’ai pressé de demander audience. Oh ! s’il pouvait écrire en Pologne, casser cette élection ?

— Folie, mon fils, folie… ce qu’une diète a consacré est sacré.

— Mais enfin, ma mère, ne pourrait-on, à ces Polonais, leur faire accepter mon frère à ma place ?

— C’est, sinon impossible, du moins difficile, répondit Catherine.

— N’importe ! essayez, tentez, parlez au roi, ma mère ; rejetez tout sur mon amour pour madame de Condé ; dites que j’en suis fou, que j’en perds l’esprit. Justement il m’a vu sortir de l’hôtel du prince avec Guise, qui me rend là tous les services d’un bon ami.

— Oui, pour faire la Ligue. Vous ne voyez pas cela, vous, mais je le vois.

— Si fait, ma mère, si fait, mais en attendant j’use de lui. Eh ! ne sommes-nous pas heureux quand un homme nous sert en se servant ?

— Et qu’a dit le roi en vous rencontrant ?

— Il a paru croire ce que je lui ai affirmé, c’est-à-dire que l’amour seul m’avait ramené à Paris.

— Mais du reste de la nuit, ne vous en a-t-il pas demandé compte ?

— Si fait, ma mère ; mais j’ai été au souper chez Nantouillet, où j’ai fait un scandale affreux pour que le bruit de ce scandale se répande et que le roi ne doute point que j’y étais.

— Alors il ignore votre visite à Lasco ?

— Absolument.

— Bon, tant mieux. J’essayerai donc de lui parler pour vous, cher enfant ; mais, vous le savez, sur cette rude nature aucune influence n’est réelle.

— Oh ! ma mère, ma mère, quel bonheur si je restais ; comme je vous aimerais plus encore que je ne vous aime si c’était possible !

— Si vous restez, on vous enverra encore à la guerre.

— Oh ! peu m’importe, pourvu que je ne quitte pas la France.