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LA REINE MARGOT.

cœur et dans celui de Téligny, son gendre, auquel le roi de son côté faisait de grandes amitiés, l’appelant son frère comme il appelait l’amiral son père, et le tutoyant, ainsi qu’il faisait pour ses meilleurs amis.

Les huguenots, à part quelques esprits chagrins et défiants, étaient donc entièrement rassurés : la mort de la reine de Navarre passait pour avoir été causée par une pleurésie, et les vastes salles du Louvre s’étaient emplies de tous ces braves protestants auxquels le mariage de leur jeune chef Henri promettait un retour de fortune bien inespéré. L’amiral de Coligny, La Rochefoucault, le prince de Condé fils, Téligny, enfin tous les principaux du parti, triomphaient de voir tout-puissants au Louvre et si bien venus à Paris ceux-là même que trois mois auparavant le roi Charles et la reine Catherine voulaient faire pendre à des potences plus hautes que celles des assassins. Il n’y avait que le maréchal de Montmorency que l’on cherchait vainement parmi tous ses frères, car aucune promesse n’avait pu le séduire, aucun semblant n’avait pu le tromper, et il restait retiré en son château de l’Isle-Adam, donnant pour excuse de sa retraite la douleur que lui causait encore la mort de son père le connétable Anne de Montmorency, tué d’un coup de pistolet par Robert Stuart, à la bataille de Saint-Denis. Mais comme cet événement était arrivé depuis plus de trois ans et que la sensibilité était une vertu assez peu à la mode à cette époque, on n’avait cru de ce deuil prolongé outre mesure que ce qu’on avait bien voulu en croire.

Au reste, tout donnait tort au maréchal de Montmorency ; le roi, la reine, le duc d’Anjou et le duc d’Alençon faisaient à merveille les honneurs de la royale fête.

Le duc d’Anjou recevait des huguenots eux-mêmes des compliments bien mérités sur les deux batailles de Jarnac et de Moncontour, qu’il avait gagnées avant d’avoir atteint l’âge de dix-huit ans, plus précoce en cela que n’avaient été César et Alexandre, auxquels on le comparait en donnant, bien entendu, l’infériorité aux vainqueurs d’Issus et de Pharsale ; le duc d’Alençon regardait tout cela de son œil caressant et faux ; la reine Catherine rayonnait de joie et, toute confite en gracieusetés, complimentait le prince Henri de Condé sur son récent mariage avec Marie de Clèves ; enfin MM. de Guise eux-mêmes souriaient aux formidables