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LA REINE MARGOT.

crédit de Votre Majesté comme fille de France suffira à peine à sauver sa tête.

— Comment, Monsieur ! demanda Marguerite ; que voulez-vous dire et de quels dangers me parlez-vous ?

— Madame, répondit La Mole en hésitant, on entend tout du cabinet où je suis placé.

— C’est vrai, murmura Marguerite pour elle seule, M. de Guise me l’avait déjà dit.

Puis tout haut :

— Eh bien, ajouta-t-elle, qu’avez-vous donc entendu ?

— Mais d’abord la conversation que Votre Majesté a eue ce matin avec son frère.

— Avec François ? s’écria Marguerite en rougissant.

— Avec le duc d’Alençon, oui, Madame ; puis ensuite, après votre départ, celle de mademoiselle Gillonne avec madame de Sauve.

— Et ce sont ces deux conversations… ?

— Oui, Madame. Mariée depuis huit jours à peine, vous aimez votre époux. Votre époux viendra à son tour comme sont venus M. le duc d’Alençon et madame de Sauve. Il vous entretiendra de ses secrets. Eh bien ! je ne dois pas les entendre ; je serais indiscret… et je ne puis pas… je ne dois pas… surtout je ne veux pas l’être !

Au ton que La Mole mit à prononcer ces derniers mots, au trouble de sa voix, à l’embarras de sa contenance, Marguerite fut illuminée d’une révélation subite.

— Ah ! dit-elle, vous avez entendu de ce cabinet tout ce qui a été dit dans cette chambre jusqu’à présent ?

— Oui, Madame.

Ces mots furent soupirés à peine.

— Et vous voulez partir cette nuit, ce soir, pour n’en pas entendre davantage ?

— À l’instant même, Madame ! s’il plaît à Votre Majesté de me le permettre.

— Pauvre enfant ! dit Marguerite avec un singulier accent de douce pitié.

Étonné d’une réponse si douce lorsqu’il s’attendait à quelque brusque riposte, La Mole leva timidement la tête ; son regard rencontra celui de Marguerite et demeura rivé comme par une puissance magnétique sur le limpide et profond regard de la reine.