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LA REINE MARGOT.


XV

ce que femme veut dieu le veut.


Marguerite ne s’était pas trompée : la colère amassée au fond du cœur de Catherine par cette comédie, dont elle voyait l’intrigue sans avoir la puissance de rien changer au dénoûment, avait besoin de déborder sur quelqu’un. Au lieu de rentrer chez elle, la reine mère monta directement chez sa dame d’atours.

Madame de Sauve s’attendait à deux visites : elle espérait celle de Henri, elle craignait celle de la reine mère. Au lit, à moitié vêtue, tandis que Dariole veillait dans l’antichambre, elle entendit tourner une clef dans la serrure, puis s’approcher des pas lents et qui eussent paru lourds s’ils n’eussent pas été assourdis par d’épais tapis. Elle ne reconnut point là la marche légère et empressée de Henri ; elle se douta qu’on empêchait Dariole de la venir avertir ; et, appuyée sur sa main, l’oreille et l’œil tendus, elle attendit.

La portière se leva, et la jeune femme, frissonnante, vit paraître Catherine de Médicis.

Catherine semblait calme ; mais madame de Sauve, habituée à l’étudier depuis deux ans, comprit tout ce que ce calme apparent cachait de sombres préoccupations et peut-être de cruelles vengeances.

Madame de Sauve, en apercevant Catherine, voulut sauter en bas de son lit ; mais Catherine leva le doigt pour lui faire signe de rester, et la pauvre Charlotte demeura clouée à sa place, amassant intérieurement toutes les forces de son âme pour faire face à l’orage qui se préparait silencieusement.

— Avez-vous fait tenir la clef au roi de Navarre ? demanda Catherine sans que l’accent de sa voix indiquât aucune altération ; seulement ces paroles étaient prononcées avec des lèvres de plus en plus blêmissantes.

— Oui, Madame… répondit Charlotte d’une voix qu’elle tentait inutilement de rendre aussi assurée que l’était celle de Catherine.