Page:Dumas - La Reine Margot (1886).djvu/208

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
200
LA REINE MARGOT.

jours de son confident, fort satisfait de l’entretien. Or, nos deux jeunes gens n’étaient point de ceux à qui leurs miroirs devaient donner de trop rudes avis. La Mole, mince, pâle et élégant, avait la beauté de la distinction ; Coconnas, vigoureux, bien découplé, haut en couleur, avait la beauté de la force. Il y avait même plus : pour ce dernier, la maladie avait été un avantage. Il avait maigri, il avait pâli ; enfin, la fameuse balafre qui lui avait jadis donné tant de tracas par ses rapports prismatiques avec l’arc-en-ciel avait disparu, annonçant probablement, comme le phénomène post-diluvien, une longue suite de jours purs et de nuits sereines.

Au reste les soins les plus délicats continuaient d’entourer les deux blessés ; le jour où chacun d’eux avait pu se lever, il avait trouvé une robe de chambre sur le fauteuil le plus proche de son lit ; le jour où il avait pu se vêtir, un habillement complet. Il y a plus, dans la poche de chaque pourpoint il y avait une bourse largement fournie, que chacun des deux ne garda, bien entendu, que pour la rendre en temps et lieu au protecteur inconnu qui veillait sur lui.

Ce protecteur inconnu ne pouvait être le prince chez lequel logeaient les deux jeunes gens, car ce prince non-seulement n’était pas monté une seule fois chez eux pour les voir, mais encore n’avait pas fait demander de leurs nouvelles.

Un vague espoir disait tout bas à chaque cœur que ce protecteur inconnu était la femme qu’il aimait.

Aussi les deux blessés attendaient-ils avec une impatience sans égale le moment de leur sortie. La Mole, plus fort et mieux guéri que Coconnas, aurait pu opérer la sienne depuis longtemps ; mais une espèce de convention tacite le liait au sort de son ami. Il était convenu que leur première sortie serait consacrée à trois visites.

La première, au docteur inconnu dont le breuvage velouté avait opéré sur la poitrine enflammée de Coconnas une si notable amélioration.

La seconde, à l’hôtel de défunt maître La Hurière, où chacun d’eux avait laissé valise et cheval.

La troisième au Florentin René, lequel, joignant à son titre de parfumeur celui de magicien, vendait non-seulement des cosmétiques et des poisons, mais encore composait des philtres et rendait des oracles.