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LA REINE MARGOT.

Et il se laissa aller sur une chaise.

Il se fit un instant de profond silence : maître René attendait que l’un ou l’autre des deux jeunes gens s’expliquât. Pendant ce temps, on entendait la respiration sifflante de Coconnas, encore mal guéri.

— Maître René, dit-il enfin, vous êtes un habile homme, dites-moi donc si je demeurerai estropié de ma blessure, c’est-à-dire si j’aurai toujours cette courte respiration qui m’empêche de monter à cheval, de faire des armes et de manger des omelettes au lard.

René approcha son oreille de la poitrine de Coconnas, et écouta attentivement le jeu des poumons.

— Non, monsieur le comte, dit-il, vous guérirez.

— En vérité ?

— Je vous l’affirme.

— Vous me faites plaisir.

Il se fit un nouveau silence.

— Ne désirez-vous pas savoir encore autre chose, monsieur le comte ?

— Si fait, dit Coconnas ; je désire savoir si je suis véritablement amoureux.

— Vous l’êtes, dit René.

— Comment le savez-vous ?

— Parce que vous le demandez.

— Mordi ! je crois que vous avez raison. Mais de qui ?

— De celle qui dit maintenant à tout propos le juron que vous venez de dire.

— En vérité, dit Coconnas stupéfait, maître René, vous êtes un habile homme. À ton tour, La Mole.

La Mole rougit et demeura embarrassé.

— Eh ! que diable ! dit Coconnas, parle donc !

— Parlez, dit le Florentin.

— Moi, monsieur René, balbutia La Mole dont la voix se rassura peu à peu, je ne veux pas vous demander si je suis amoureux, car je sais que je le suis et ne m’en cache point ; mais dites-moi si je serai aimé, car en vérité tout ce qui m’était d’abord un sujet d’espoir tourne maintenant contre moi.

— Vous n’avez peut-être pas fait tout ce qu’il faut faire pour cela.

— Qu’y a-t-il à faire, Monsieur, qu’à prouver par son