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LA REINE MARGOT.

il y en avait de si terribles que c’étaient ceux-là qui la forçaient de garder les autres.

Aucune lumière n’était demeurée ni dans les chambres basses ni dans les corridors ; de temps en temps seulement un éclair livide illuminait les appartements sombres d’un reflet bleuâtre qui disparaissait aussitôt.

Le duc, toujours guidé par sa conductrice qui le tenait par la main, atteignit enfin un escalier en spirale pratiqué dans l’épaisseur d’un mur et qui s’ouvrait par une porte secrète et invisible dans l’antichambre de l’appartement de Marguerite.

L’antichambre, comme les autres salles du bas, était dans la plus profonde obscurité.

Arrivés dans cette antichambre, Gillonne s’arrêta.

— Avez-vous apporté ce que désire la reine ? demanda-t-elle à voix basse.

— Oui, répondit le duc de Guise ; mais je ne le remettrai qu’à Sa Majesté elle-même.

— Venez donc et sans perdre un instant ! dit alors au milieu de l’obscurité une voix qui fit tressaillir le duc, car il la reconnut pour celle de Marguerite.

Et en même temps une portière de velours violet fleurdelisé d’or se soulevant, le duc distingua dans l’ombre la reine elle-même, qui, impatiente, était venue au-devant de lui.

— Me voici, Madame, dit alors le duc.

Et il passa rapidement de l’autre côté de la portière qui retomba derrière lui.

Alors ce fut, à son tour, à Marguerite de Valois de servir de guide au prince dans cet appartement, d’ailleurs bien connu de lui, tandis que Gillonne, restée à la porte, avait, en portant le doigt à sa bouche, rassuré sa royale maîtresse.

Comme si elle eût compris les jalouses inquiétudes du duc, Marguerite le conduisit jusque dans sa chambre à coucher ; là elle s’arrêta.

— Eh bien, lui dit-elle, êtes-vous content, duc ?

— Content, Madame ? demanda celui-ci, et de quoi, je vous prie ?

— De cette preuve que je vous donne, reprit Marguerite avec un léger accent de dépit, que j’appartiens à un homme qui, le soir de son mariage, la nuit même de ses noces, fait