Page:Dumas - La Reine Margot (1886).djvu/260

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
252
LA REINE MARGOT.

Mon frère Charles tue les huguenots pour régner plus largement. Mon frère d’Anjou les laisse tuer parce qu’il doit succéder à mon frère Charles, et que, comme vous le savez mon frère Charles est souvent malade. Mais moi… et c’est tout différent, moi qui ne régnerai jamais, en France du moins, attendu que j’ai deux aînés devant moi ; moi que la haine de ma mère et de mes frères, plus encore que la loi de la nature, éloigne du trône ; moi qui ne dois prétendre à aucune affection de famille, à aucune gloire, à aucun royaume ; moi qui, cependant, porte un cœur aussi noble que mes aînés ; eh bien ! de Mouy ! moi, je veux chercher à me tailler avec mon épée un royaume dans cette France qu’ils couvrent de sang.

Or, voilà ce que je veux, moi, de Mouy, écoutez.

Je veux être roi de Navarre, non par la naissance, mais par l’élection. Et remarquez bien que vous n’avez aucune objection à faire à cela, car je ne suis pas usurpateur, puisque mon frère refuse vos offres, et, s’ensevelissant dans sa torpeur, reconnaît hautement que ce royaume de Navarre n’est qu’une fiction. Avec Henri de Béarn, vous n’avez rien ; avec moi, vous avez une épée et un nom. François d’Alençon, fils de France, sauvegarde tous ses compagnons ou tous ses complices, comme il vous plaira de les appeler. Eh bien ! que dites-vous de cette offre, monsieur de Mouy ?

— Je dis qu’elle m’éblouit, Monseigneur.

— De Mouy, de Mouy, nous aurons bien des obstacles à vaincre. Ne vous montrez donc pas dès l’abord si exigeant et si difficile envers un fils de roi et un frère de roi qui vient à vous.

— Monseigneur, la chose serait déjà faite si j’étais seul à soutenir mes idées ; mais nous avons un conseil, et si brillante que soit l’offre, peut-être même à cause de cela, les chefs du parti n’y adhéreront-ils pas sans condition.

— Ceci est autre chose, et la réponse est d’un cœur honnête et d’un esprit prudent. À la façon dont je viens d’agir, de Mouy, vous avez dû reconnaître ma probité. Traitez-moi donc de votre côté en homme qu’on estime et non en prince qu’on flatte. De Mouy, ai-je des chances ?

— Sur ma parole, Monseigneur, et puisque Votre Altesse veut que je lui donne mon avis, Votre Altesse les a toutes depuis que le roi de Navarre a refusé l’offre que j’étais venu