— Monsieur, je crois qu’en vous l’insouciance n’est qu’un masque, et j’ai foi non-seulement dans les prédictions des astrologues, mais encore dans votre génie.
— Que diriez-vous donc, Madame, si quelqu’un venait se jeter à la traverse de nos plans et nous menaçait de nous réduire, vous et moi, à un état médiocre ?
— Je dirais que je suis prête à lutter avec vous, soit dans l’ombre, soit ouvertement, contre ce quelqu’un, quel qu’il fût.
— Madame, continua Henri, il vous est possible d’entrer à toute heure, n’est-ce pas, chez M. d’Alençon, votre frère ? vous avez sa confiance et il vous porte une vive amitié. Oserais-je vous prier de vous informer si dans ce moment même il n’est pas en conférence secrète avec quelqu’un ?
Marguerite tressaillit.
— Avec qui, Monsieur ? demanda-t-elle.
— Avec de Mouy.
— Pourquoi cela ? demanda Marguerite en réprimant son émotion.
— Parce que s’il en est ainsi, Madame, adieu tous nos projets, tous les miens du moins.
— Sire, parlez bas, dit Marguerite en faisant à la fois un signe des yeux et des lèvres, et en désignant du doigt le cabinet.
— Oh ! oh ! dit Henri ; encore quelqu’un ? En vérité, ce cabinet est si souvent habité, qu’il rend votre chambre inhabitable.
Marguerite sourit.
— Au moins est-ce toujours M. de La Mole ? demanda Henri.
— Non, sire, c’est M. de Mouy.
— Lui ? s’écria Henri avec une surprise mêlée de joie ; il n’est donc pas chez le duc d’Alençon, alors ? Oh ! faites-le venir, que je lui parle…
Marguerite courut au cabinet, l’ouvrit, et, prenant de Mouy par la main, l’amena sans préambule devant le roi de Navarre.
— Ah ! Madame, dit le jeune huguenot avec un accent de reproche plus triste qu’amer, vous me trahissez malgré votre promesse, c’est mal. Que diriez-vous si je me vengeais en disant…