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LA REINE MARGOT.

qu’on nous portera. Quand il faudra fuir, nous fuirons à deux ; quand il faudra combattre et régner, je régnerai seul.

— Défiez-vous du duc, dit Marguerite, c’est un esprit sombre et pénétrant, sans haine comme sans amitié, toujours prêt à traiter ses amis en ennemis et ses ennemis en amis.

— Et, dit Henri, il vous attend, de Mouy ?

— Oui, sire.

— Où cela ?

— Dans la chambre de ses deux gentilshommes.

— À quelle heure ?

— Jusqu’à minuit.

— Pas encore onze heures, dit Henri ; il n’y a point de temps perdu, allez, de Mouy.

— Nous avons votre parole, Monsieur, dit Marguerite.

— Allons donc ! Madame, dit Henri avec cette confiance qu’il savait si bien montrer avec certaines personnes et dans certaines occasions, avec M. de Mouy ces choses-là ne se demandent même point.

— Vous avez raison, sire, répondit le jeune homme ; mais moi j’ai besoin de la vôtre, car il faut que je dise aux chefs que je l’ai reçue. Vous n’êtes point catholique n’est-ce pas ?

Henri haussa les épaules.

— Vous ne renoncez pas à la royauté de Navarre ?

— Je ne renonce à aucune royauté, de Mouy ; seulement, je me réserve de choisir la meilleure, c’est-à-dire celle qui sera le plus à ma convenance et à la vôtre.

— Et si, en attendant, Votre Majesté était arrêtée, Votre Majesté promet-elle de ne rien révéler, au cas même où l’on violerait par la torture la majesté royale ?

— De Mouy, je le jure sur Dieu.

— Un mot, sire : comment vous reverrai-je ?

— Vous aurez, dès demain, une clef de ma chambre ; vous y entrerez, de Mouy, autant de fois qu’il sera nécessaire et aux heures que vous voudrez. Ce sera au duc d’Alençon de répondre de votre présence au Louvre. En attendant, remontez par le petit escalier, je vous servirai de guide. Pendant ce temps-là la reine fera entrer ici le manteau rouge, pareil au vôtre, qui était tout à l’heure dans l’antichambre. Il ne faut pas qu’on fasse une différence entre les deux et qu’on sache que vous êtes double, n’est-ce pas, de Mouy ? n’est-ce pas, Madame ?