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LA REINE MARGOT.

— Attends donc. Constamment suivi par un homme de mine farouche qui avait des relais comme lui et courait aussi vite que lui pendant ces quatre cents lieues, ce pauvre courrier a toujours attendu quelque balle de pistolet dans les reins. Tous deux sont arrivés à la barrière Saint-Marcel en même temps, tous deux ont descendu la rue Mouffetard au grand galop, tous deux ont traversé la Cité. Mais, au bout du pont Notre-Dame, notre courrier a pris à droite, tandis que l’autre tournait à gauche par la place du Châtelet, et filait par les quais du côté du Louvre comme un trait d’arbalète.

— Merci, ma bonne Henriette, merci, s’écria Marguerite. Tu avais raison, et voilà de bien intéressantes nouvelles. Pour qui cet autre courrier ? Je le saurai. Mais laisse-moi. À ce soir, rue Tizon, n’est-ce pas ? et à demain la chasse ; et surtout prends un cheval bien méchant pour qu’il s’emporte et que nous soyons seules. Je te dirai ce soir ce qu’il faut que tu tâches de savoir de ton Coconnas.

— Tu n’oublieras donc pas ma lettre ? dit la duchesse de Nevers en riant.

— Non, non, sois tranquille, il l’aura et à temps.

Madame de Nevers sortit, et aussitôt Marguerite envoya chercher Henri, qui accourut et auquel elle remit la lettre du duc de Nevers.

— Oh ! oh ! fit-il.

Puis Marguerite lui raconta l’histoire du double courrier.

— Au fait, dit Henri, je l’ai vu entrer au Louvre.

— Peut-être était-il pour la reine mère ?

— Non pas ; j’en suis sûr, car j’ai été à tout hasard me placer dans le corridor, et je n’ai vu passer personne.

— Alors, dit Marguerite en regardant son mari, il faut que ce soit…

— Pour votre frère d’Alençon, n’est-ce pas ? dit Henri.

— Oui ; mais comment le savoir ?

— Ne pourrait-on, demanda Henri négligemment, envoyer chercher un de ces deux gentilshommes et savoir par lui…

— Vous avez raison, sire ! dit Marguerite mise à son aise par la proposition de son mari ; je vais envoyer chercher M. de La Mole… Gillonne ! Gillonne !

La jeune fille parut.

— Il faut que je parle à l’instant même à M. de La Mole, lui dit la reine. Tâchez de le trouver et amenez-le.