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LA REINE MARGOT.

bien si je vous connais !… comment donc ! avec le plus grand plaisir. Voici ma lettre. Excusez mon hésitation. Mais on doit hésiter quand on veut être fidèle.

— Pien, pien, dit de Besme, il n’y afre pas besoin d’exguses.

— Ma foi, Monsieur, dit La Mole en s’approchant à son tour, puisque vous êtes si obligeant, voudriez-vous vous charger de ma lettre comme vous venez de faire de celle de mon compagnon ?

— Comment fous abbelez-vous ?

— Le comte Lerac de La Mole.

— Le gonte Lerag de La Mole ?

— Oui.

— Che ne gonnais pas.

— Il est tout simple que je n’aie pas l’honneur d’être connu de vous, Monsieur, je suis étranger, et, comme le comte de Coconnas, j’arrive ce soir de bien loin.

— Et t’où arrifez-fous ?

— De Provence.

— Avec eine lettre ?

— Oui, avec une lettre.

— Pour monsir de Gouise ?

— Non, pour Sa Majesté le roi de Navarre.

— Che ne souis bas au roi de Navarre, Monsir, répondit de Besme avec un froid subit, che ne puis donc pas me charger de votre lettre.

Et Besme, tournant les talons à La Mole, entra dans le Louvre en faisant signe à Coconnas de le suivre.

La Mole demeura seul.

Au même moment, par la porte du Louvre, parallèle à celle qui avait donné passage à Besme et à Coconnas, sortit une troupe de cavaliers d’une centaine d’hommes.

— Ah ! ah ! dit la sentinelle à son camarade, c’est de Mouy et ses huguenots ; ils sont rayonnants. Le roi leur aura promis la mort de l’assassin de l’amiral ; et comme c’est déjà lui qui a tué le père de Mouy, le fils fera d’une pierre deux coups.

— Pardon, fit La Mole s’adressant au soldat, mais n’avez-vous pas dit, mon brave, que cet officier était monsieur de Mouy ?

— Oui-da, mon gentilhomme.

— Et que ceux qui l’accompagnaient étaient…