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LA REINE MARGOT.

jeune homme, qui, sans le savoir, venait d’agir en courtisan raffiné.

— Remettez-vous, Monsieur, dit-elle. J’attendrai et l’on m’attendra.

— Oh ! pardonnez-moi, Madame, si je n’ai point salué d’abord Votre Majesté avec tout le respect qu’elle a le droit d’attendre d’un de ses plus humbles serviteurs, mais…

— Mais, continua Marguerite, vous m’aviez prise pour une de mes femmes.

— Non, Madame, mais pour l’ombre de la belle Diane de Poitiers. On m’a dit qu’elle revenait au Louvre.

— Allons, Monsieur, dit Marguerite, je ne m’inquiète plus de vous, et vous ferez fortune à la cour. Vous aviez une lettre pour le roi, dites-vous ? C’était fort inutile. Mais, n’importe, où est-elle ? Je la lui remettrai… Seulement, hâtez-vous, je vous prie.

En un clin d’œil La Mole écarta les aiguillettes de son pourpoint, et tira de sa poitrine une lettre enfermée dans une enveloppe de soie.

Marguerite prit la lettre et regarda l’écriture

— N’êtes-vous pas monsieur de La Mole ? dit-elle.

— Oui, Madame. Oh ! mon Dieu ! aurais-je le bonheur que mon nom fût connu de Votre Majesté ?

— Je l’ai entendu prononcer par le roi mon mari, et par mon frère le duc d’Alençon. Je sais que vous êtes attendu.

Et elle glissa dans son corsage, tout raide de broderies et de diamants, cette lettre qui sortait du pourpoint du jeune homme, et qui était encore tiède de la chaleur de sa poitrine. La Mole suivait avidement des yeux chaque mouvement de Marguerite.

— Maintenant, Monsieur, dit-elle, descendez dans la galerie au-dessous, et attendez jusqu’à ce qu’il vienne quelqu’un de la part du roi de Navarre ou du duc d’Alençon. Un de mes pages va vous conduire.

À ces mots, Marguerite continua son chemin. La Mole se rangea contre la muraille. Mais le passage était si étroit, et le vertugadin de la reine de Navarre si large, que sa robe de soie effleura l’habit du jeune homme, tandis qu’un parfum pénétrant s’épandait là où elle avait passé.

La Mole frissonna par tout son corps, et, sentant qu’il allait tomber, chercha un appui contre le mur.