que pour vous ; et cependant je vous examine depuis que nous avons les cartes aux mains : vous jouez franc jeu, vous ne trichez pas… il faut que ce soit la religion…
— Vous me devez six écus de plus, dit tranquillement La Mole.
— Ah ! comme vous me tentez ! dit Coconnas, et si cette nuit je ne suis pas content de M. de Guise…
— Eh bien ?
— Eh bien ! demain je vous demande de me présenter au roi de Navarre ; et, soyez tranquille, si une fois je me fais huguenot, je serai plus huguenot que Luther, que Calvin, que Mélanchthon et que tous les réformistes de la terre.
— Chut ! dit La Mole, vous allez vous brouiller avec notre hôte.
— Oh ! c’est vrai ! dit Coconnas en tournant les yeux vers la cuisine. Mais non, il ne nous écoute pas ; il est trop occupé en ce moment.
— Que fait-il donc ? dit La Mole, qui de sa place ne pouvait l’apercevoir.
— Il cause avec… Le diable m’emporte ! c’est lui !
— Qui, lui ?
— Cette espèce d’oiseau de nuit avec lequel il causait déjà quand nous sommes arrivés, l’homme au pourpoint jaune et au manteau amadou. Mordi ! quel feu il y met ! Eh ! dites donc, maître La Hurière ! est-ce que vous faites de la politique, par hasard ?
Mais cette fois la réponse de maître La Hurière fut un geste si énergique et si impérieux, que, malgré son amour pour le carton peint, Coconnas se leva et alla à lui.
— Qu’avez-vous donc ? demanda La Mole.
— Vous demandez du vin, mon gentilhomme ? dit La Hurière saisissant vivement la main de Coconnas, on va vous en donner. Grégoire ! du vin à ces Messieurs !
Puis à l’oreille :
— Silence, lui glissa-t-il, silence, sur votre vie ! et congédiez votre compagnon.
La Hurière était si pâle, l’homme jaune si lugubre, que Coconnas ressentit comme un frisson, et se retournant vers La Mole :
— Mon cher monsieur de La Mole, lui dit-il, je vous prie de m’excuser. Voilà cinquante écus que je perds en un tour