Page:Dumas - La Tulipe noire (1892).djvu/162

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Une large cruche que Cornélius avait cassée habilement lui donna un fond propice, il l’emplit à moitié et mélangea la terre apportée par Rosa d’un peu de boue de rivière qu’il fit sécher et qui lui fournit un excellent terreau.

Puis, vers le commencement d’avril, il y déposa le premier caïeu.

Dire ce que Cornélius déploya de soins, d’habileté et de ruse pour dérober à la surveillance de Gryphus la joie de ses travaux, nous n’y parviendrions pas. Une demi-heure, c’est un siècle de sensations et de pensée pour un prisonnier philosophe.

Il ne se passait point de jour que Rosa ne vînt causer avec Cornélius.

Les tulipes, dont Rosa faisait un cours complet, fournissaient le fond de la conversation ; mais si intéressant que soit ce sujet, on ne peut pas toujours parler tulipes.

Alors on parlait d’autre chose, et à son grand étonnement le tulipier s’apercevait de l’extension immense que pouvait prendre le cercle de la conversation.

Seulement Rosa avait pris une habitude : elle tenait son beau visage invariablement à six pouces du guichet, car la belle Frisonne était sans doute défiante d’elle-même, depuis qu’elle avait senti à travers le grillage combien le souffle d’un prisonnier peut brûler le cœur d’une jeune fille.

Il y a une chose surtout qui inquiétait à cette heure le tulipier presque autant que ses caïeux, et sur laquelle il revenait sans cesse.

C’était la dépendance où était Rosa de son père.

Ainsi la vie de van Baerle, le docteur savant, le peintre pittoresque, l’homme supérieur, — de van Baerle qui le premier avait, selon toute probabilité, découvert ce chef-