Page:Dumas - La Tulipe noire (1892).djvu/183

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votre père était seul ; mais cet autre, ce Jacob, qui nous épie…

— Ah ! c’est vrai ; cependant, réfléchissez ! vous vous privez là, je le vois, d’une grande distraction.

Et elle prononça ces paroles avec un sourire qui n’était pas entièrement exempt d’ironie.

En effet, Cornélius réfléchit un instant, il était facile de voir qu’il luttait contre un grand désir.

— Eh bien, non ! s’écria-t-il avec un stoïcisme tout antique, non ! ce serait une faiblesse, ce serait une folie, ce serait une lâcheté ! si je livrais ainsi à toutes les mauvaises chances de la colère et de l’envie la dernière ressource qui nous reste, je serais un homme indigne de pardon. Non, Rosa, non ! demain nous prendrons une résolution à l’endroit de votre tulipe ; vous la cultiverez selon mes instructions ; et quant au troisième caïeu, — Cornélius soupira profondément, — quant au troisième, gardez-le dans votre armoire ! gardez-le comme l’avare garde sa première ou sa dernière pièce d’or, comme la mère garde son fils, comme le blessé garde la suprême goutte de sang de ses veines ; gardez-le, Rosa ! quelque chose me dit que là est notre salut, que là est notre richesse ! gardez-le ! et si le feu du ciel tombait sur Loewestein, jurez-moi, Rosa, qu’au lieu de vos bagues, qu’au lieu de vos bijoux, qu’au lieu de ce beau casque d’or qui encadre si bien votre visage, jurez-moi, Rosa que vous emporterez ce dernier caïeu, qui renferme ma tulipe noire.

— Soyez tranquille, monsieur Cornélius, dit Rosa avec un doux mélange de tristesse et de solennité ; soyez tranquille, vos désirs sont des ordres pour moi.

— Et même, continua le jeune homme s’enfiévrant de