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XIX

FEMME ET FLEUR.


Mais la pauvre Rosa, enfermée dans sa chambre, ne pouvait savoir à qui ou à quoi rêvait Cornélius.

Il en résultait que, d’après ce qu’il lui avait dit, Rosa était bien plus encline à croire qu’il rêvait à sa tulipe qu’à elle, et cependant Rosa se trompait.

Mais comme personne n’était là pour dire à Rosa qu’elle se trompait, comme les paroles imprudentes de Cornélius étaient tombées sur son âme comme des gouttes de poison, Rosa ne rêvait pas, elle pleurait.

En effet, comme Rosa était une créature d’esprit élevé, d’un sens droit et profond, Rosa se rendait justice, non point quant à ses qualités morales et physiques, mais quant à sa position sociale.

Cornélius était savant, Cornélius était riche, ou du moins l’avait été avant la confiscation de ses biens ; Cornélius était de cette bourgeoisie de commerce, plus fière de ses enseignes de boutiques tracées, formées en blason, que ne l’a jamais été la noblesse de race de ses armoiries héréditaires. Cornélius pouvait donc trouver Rosa bonne pour une distraction, mais à coup sûr quand il s’agirait d’engager son cœur, ce serait plutôt à une tulipe, c’est-à-dire à la plus noble et à la plus fière des fleurs qu’il l’engagerait, qu’à Rosa, humble fille d’un geôlier.