Page:Dumas - La Tulipe noire (1892).djvu/198

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

je ne reviendrais pas, puis il sortit à pas de loup de sa cachette, s’approcha de la plate-bande par un long détour, puis arrivé enfin à son but, c’est-à-dire en face de l’endroit où la terre était fraîchement remuée, il s’arrêta d’un air indifférent, regarda de tous côtés, interrogea chaque angle du jardin, interrogea chaque fenêtre des maisons voisines, interrogea la terre, le ciel, l’air, et croyant qu’il était bien seul, bien isolé, bien hors de la vue de tout le monde, il se précipita sur la plate-bande, enfonça ses deux mains dans la terre molle, en enleva une portion qu’il brisa doucement entre ses mains pour voir si le caïeu s’y trouvait, recommença trois fois le même manège, et chaque fois avec une action plus ardente, jusqu’à ce qu’enfin, commençant à comprendre qu’il pouvait être dupe de quelque supercherie, il calma l’agitation qui le dévorait, prit le râteau, égalisa le terrain pour le laisser à son départ dans le même état où il se trouvait avant qu’il ne l’eût fouillé, et tout honteux, tout penaud, il reprit le chemin de la porte affectant l’air innocent d’un promeneur ordinaire.

— Oh ! le misérable, murmura Cornélius, essuyant les gouttes de sueur qui ruisselaient sur son front. Oh ! le misérable, je l’avais deviné. Mais le caïeu, Rosa, qu’en avez-vous fait ? Hélas ! il est déjà un peu tard pour le planter.

— Le caïeu, il est depuis six jours en terre.

— Où cela ? comment cela ? s’écria Cornélius. Oh ! mon Dieu, quelle imprudence ! Où est-il ? Dans quelle terre est-il ? Est-il bien ou mal exposé ? Ne risque-t-il pas de nous être volé par cet affreux Jacob ?

— Il ne risque pas de nous être volé, à moins que Jacob ne force la porte de ma chambre.

— Ah ! il est chez vous, il est dans votre chambre,