— Est-ce que vous êtes fou, mon cher monsieur Gryphus ? demanda Cornélius en se retournant.
Et, comme en disant cela, il vit le visage altéré, les yeux brillants, la bouche écumante du vieux geôlier :
— Diable ! dit-il, nous sommes plus que fou, à ce qu’il paraît ; nous sommes furieux !
Gryphus fit le moulinet avec son bâton.
Mais, sans s’émouvoir :
— Ça, maître Gryphus, dit van Baerle en se croisant les bras, vous paraissez me menacer ?
— Oh ! oui, je te menace ! cria le geôlier.
— Et de quoi ?
— D’abord, regarde ce que je tiens à la main.
— Je crois que c’est un bâton, dit Cornélius avec calme, et même un gros bâton ; mais je ne suppose point que ce soit là ce dont vous me menacez.
— Ah ! tu ne supposes pas cela ! Et pourquoi ?
— Parce que tout geôlier qui frappe un prisonnier s’expose à deux punitions ; la première, art. IX du règlement de Lœvestein :
qui portera la main sur un prisonnier d’État. »
— La main, fit Gryphus ivre de colère ; mais le bâton ; ah ! le bâton, le règlement n’en parle pas.
— La deuxième, continua Cornélius, la deuxième, qui n’est pas inscrite au règlement mais que l’on trouve dans l’Évangile, la deuxième, la voici :
« Quiconque frappe de l’épée périra par l’épée.
» Quiconque touche avec le bâton sera rossé par le bâton. »