Page:Dumas - La Tulipe noire (1892).djvu/309

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Guillaume, qui attirait l’attention générale, se leva, promena un tranquille regard sur la foule enivrée, et son œil perçant s’arrêta tour à tour sur les trois extrémités d’un triangle formé en face de lui par trois intérêts et par trois drames bien différents.

À l’un des angles, Boxtel, frémissant d’impatience et dévorant de toute son attention le prince, les florins, la tulipe noire et l’assemblée ;

À l’autre, Cornélius haletant, muet, n’ayant de regard, de vie, d’amour, que pour la tulipe noire, sa fille ;

Enfin, au troisième, debout sur un gradin parmi les vierges de Harlem, une belle Frisonne vêtue de fine laine rouge brodée d’argent et couverte de dentelles tombant à flots de son casque d’or ;

Rosa enfin, qui s’appuyait, défaillante et l’œil noyé, au bras d’un des officiers de Guillaume.

Le prince alors, voyant tous ses auditeurs disposés, déroula lentement le vélin, et, d’une voix calme, nette, bien que faible, mais dont pas une note ne se perdait grâce au silence religieux qui s’abattit tout à coup sur les cinquante mille spectateurs et enchaîna leur souffle à ses lèvres,

— Vous savez, dit-il, dans quel but vous avez été réunis ici.

Un prix de cent mille florins a été promis à celui qui trouverait la tulipe noire.

La tulipe noire ! et cette merveille de la Hollande est là exposée à vos yeux ; la tulipe noire a été trouvée, et cela dans toutes les conditions exigées par le programme de la Société horticole de Harlem.