Boxtel se contenta d’encourager d’un signe le zèle de son valet. Celui-ci sortit et rentra un quart d’heure après.
— Oh ! monsieur, tout ce que je vous ai raconté, dit-il, c’était la vérité pure.
— Comment cela ?
— M. van Baerle est arrêté, on l’a mis dans une voiture et on vient de l’expédier à la Haye.
— À la Haye ?
— Oui, où, si ce qu’on dit est vrai, il ne fera pas bon pour lui.
— Et que dit-on ? demanda Boxtel.
— Dame ! monsieur, on dit, mais cela n’est pas bien sûr, on dit que les bourgeois doivent être à cette heure en train d’assassiner monsieur Corneille et monsieur Jean de Witt.
— Oh ! murmura ou plutôt râla Boxtel en fermant les yeux pour ne pas voir la terrible image qui s’offrait sans doute à son regard.
— Diable ! fit le valet en sortant, il faut que mynheer Isaac Boxtel soit bien malade pour n’avoir pas sauté en bas du lit à une pareille nouvelle.
En effet Isaac Boxtel était bien malade, malade comme un homme qui vient d’assassiner un autre homme.
Mais il avait assassiné cet homme dans un double but ; le premier était accompli ; restait à accomplir le second.
La nuit vint. C’était la nuit qu’attendait Boxtel.
La nuit venue, il se leva.
Puis il monta dans son sycomore.
Il avait bien calculé : personne ne songeait à garder le jardin ; maison et domestiques étaient sens dessus dessous.