Page:Dumas - Le Capitaine Aréna.djvu/117

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coupable qu’on le faisait, et que c’était un peccato que d’avoir tourmenté un aussi brave homme.

Après le déjeuner, don Cesare Alletto nous demanda si nous désirions d’abord entendre l’histoire des prouesses de Pascal Bruno, ou visiter avant tout le théâtre de ces prouesses : nous lui répondîmes que, chronologiquement, il nous semblait que l’histoire devait passer la première, attendu que, l’histoire racontée, chaque détail subséquent deviendrait plus intéressant et plus précieux.

Nous commençâmes donc par l’histoire.

Pascal Bruno était fils de Giuseppe Bruno ; Giuseppe Bruno avait six frères.

Pascal Bruno avait trois ans, lorsque son père, né sur les terres du prince de Montcada Paterno vint s’établir à Bauso, village dans les environs duquel demeuraient ses six frères, et qui appartenait au comte de Castel-Novo.

Malheureusement Giuseppe Bruno avait une jolie femme, et le prince de Castel-Novo était fort appréciateur des jolies femmes ; il devint amoureux de la mère de Pascal, et lui fit des offres qu’elle refusa. Le comte de Castel-Novo n’avait pas l’habitude d’essuyer de pareils refus dans ses domaines, où chacun, hommes et femmes, allaient au devant de ses désirs. Il renouvela ses offres, les doubla, les tripla sans rien obtenir. Enfin, sa patience se lassa, et, sans songer qu’il n’avait aucun droit sur la femme de Giuseppe, puisqu’elle n’était pas même née sur ses terres, un jour que son mari était absent, il la lit enlever par quatre hommes, la fit conduire à sa petite maison, et la viola. C’était sans doute un grand honneur qu’il faisait à un pauvre diable comme Giuseppe Bruno que de descendre jusqu’à sa femme ; mais Giuseppe avait l’esprit fait autrement que les autres : il ne fit pas un reproche à la pauvre femme, mais il alla s’embusquer sur le chemin du comte de Castel-Novo, et comme il passait auprès de lui, il lui allongea, au-dessous de la sixième côte gauche, un coup de poignard dont il mourut deux heures après, ce qui lui donna peu de temps pour se réconcilier avec Dieu, mais ce qui lui en donna assez pour nommer son meurtrier.

Giuseppe Bruno prit la fuite, et se réfugia dans la montagne, où ses six frères lui portaient à manger chacun à son