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Page:Dumas - Le Capitaine Aréna.djvu/184

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quart de lieue au delà des dernières maisons, la routé s’escarpait si brusquement dans la montagne et s’enfonçait dans un bois de châtaigniers si sombre, que nous mêmes nous ne pûmes nous empêcher d’échanger un coup d’œil, et par un mouvement simultané de nous assurer que les capsules de nos fusils et de nos pistolets étaient bien à leurs places. Ce ne fut pas tout ; jugeant qu’il était inutile de faire aussi par trop beau jeu à ceux qui pourraient avoir de mauvaises intentions sur nous, nous descendîmes de nos montures, nous en remîmes les brides aux mains de notre guide, nous fîmes passer nos pistolets de nos fontes à nos ceintures, et, après avoir fait prendre à nos mules le milieu de la route, nous nous plaçâmes au milieu d’elles, de sorte que de chaque côté elles nous tenaient lieu de rempart ; mais je dois dire en l’honneur des Calabrais que cette précaution était parfaite ment inutile. Nous fîmes nos sept milles sans rencontrer autre chose que des pâtres ou des paysans qui, au lieu de nous chercher noise, s’empressèrent de nous saluer les premiers de l’éternel buon viaggio, que notre guide n’entendait jamais sans frissonner des pieds à la tête.

Nous arrivâmes à Monteleone à nuit close, ce qui lit que notre prudent muletier nous arrêta au premier bouchon qu’il rencontra ; comme on voyait à peine à quatre pas devant soi, il n’y avait pas moyen de chercher mieux.

Dieu préserve mon plus mortel ennemi d’arriver à Monteleone à l’heure où nous arrivâmes, et de s’arrêter chez maître Antonio Adamo.

A Monteleone, nous commençâmes à entendre parler du tremblement de terre qui avait, trois jours auparavant, si inopinément interrompu notre bal. La secousse avait été assez violente, et quoique aucun accident sérieux ne fût arrivé, les Montéléoniens avaient eu un instant grand’peur de voir se renouveler la catastrophe qui, en 1785, avait entièrement détruit leur ville.

Nous passâmes chez maître Adamo une des plus mauvaises nuits que nous eussions encore passées. Quant à moi, je fis mettre successivement trois paires de draps différentes à mon lit ; encore la virginité de cette roisième paire