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Page:Dumas - Le Capitaine Aréna.djvu/244

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A six heures la nuit vint : la nuit était le moment formidable ; chaque nuit, depuis la soirée où la première secousse s’était fait sentir, avait été marquée par de nouvelles commotions et par de nouveaux malheurs ; c’était ordinairement de minuit à deux heures que la terre s’agitait, et l’on comprend avec quelle anxiété toute la population attendait ce retour fatal.

A sept heures nous retournâmes aux baraques : elles étaient presque toutes éclairées avec des lanternes, dont quelques-unes, empruntées aux voitures des propriétaires jetaient un jour plus ardent, et brillaient pareilles à des planètes au milieu d’étoiles ordinaires. Comme le temps était assez beau, tout le monde était sorti et se promenait ; mais il y avait dans les mouvemens, dans la voix et jusque dans les éclairs de gaîté de toute cette population, quelque chose de brusque, de saccadé et de furieux qui dénonçait l’inquiétude, générale. Toutes les conversations roulaient sur le tremblement de terre, et de dix pas en dix pas on entendait ces paroles redites presque en forme d’oraison : — Enfin, Dieu nous fera peut-être la grâce qu’il n’y ait pas de secousse cette nuit.

Ce souhait, tant de fois répété qu’il était impossible que Dieu ne l’eût pas entendu, joint à notre incrédulité systématique, fit qu’encore très fatigués de la façon dont nous avions passé les nuits précédentes, nous rentrâmes à l’hôtel vers les dix heures. Nous fûmes curieux de jeter, avant de rentrer chez nous, un second coup d’œil sur la salle basse : tout y était dans la même situation. Le chanoine, couché dans son lit, disait des prières, toujours gardé par ses quatre campieri ; les marchands de bestiaux jouaient aux cartes, et un autre groupe continuait à boire et à manger en attendant la fin du monde.

Nous appelâmes le garçon, qui cette fois accourut à notre appel et qui se crut obligé, pour rentrer dans nos bonnes grâces qu’il craignait d’avoir à tout jamais perdues, d’essayer de nous dissuader de coucher dans notre, chambre ; mais nous ne répondîmes à ses conseils qu’en lui ordonnant de nous éclairer et de venir nous pendre des couvertures, devant les fenêtres, veuves en grande partie, comme nous