Page:Dumas - Le Capitaine Aréna.djvu/247

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de l’effort qu’il venait de faire ; puis, après avoir promené un long regard sur l’auditoire, il commença à parler d’une voix tellement faible qu’à peine ceux qui étaient les plus rapprochés de lui pouvaient-ils l’entendre. Mais peu à peu sa voix prit de la force, ses gestes s’animèrent, sa tête se releva, et, sans doute excité par la fièvre même qui semblait le dévorer, ses yeux commencèrent à lancer des éclairs, tandis que ses paroles, rapides, pressées, incisives, reprochaient à l’auditoire cette corruption générale où le monde était arrivé, corruption qui attirait la colère de Dieu sur la terre, colère dont la catastrophe qui désolait Cosenza était l’expression visible et immédiate. Ce fut alors que je compris ce développement donné à la chaire. Ce n’était plus cet homme faible et souffrant, pouvant se traîner à peine, qui avait besoin de la balustrade pour s’y soutenir ; c’était le prédicateur emporté par son sujet, s’adressant à la fois à toutes les parties de l’auditoire, jetant ses apostrophes, tantôt à la masse, tantôt aux individus ; bondissant d’un bout à l’autre de sa chaire, se lamentant comme Jérémie, ou menaçant comme Ezéchiel ; puis, de temps en temps, s’adressant au christ, baisant ses pieds, se jetant à genoux, le suppliant ; puis, tout à coup, le saisissant dans ses bras et l’élevant plein de menace au-dessus de la foule terrifiée. Je ne pouvais point entendre tout ce qu’il disait, mais cependant je comprenais l’influence que celte parole puissante devait, dans des circonstances pareilles, avoir sur la multitude. Aussi l’effet produit était universel, profond, terrible ; hommes et femmes étaient tombés à genoux, baisant la terre, se frappant la poitrine, criant merci ; tandis que le prédicateur, dominant toute cette foule, courait sans relâche, atteignant du geste et de la voix jusqu’à ceux qui l’écoutaient de la rue. Bientôt les cris, les larmes et les sanglots de l’auditoire furent si violens qu’ils couvrirent la voix qui les excitait ; alors cette voix s’adoucit peu à peu : il passa de la menace à la miséricorde, de la vengeance au pardon. Enfin, il finit par annoncer que la communauté prenait sur elle les péchés de la ville tout entière, et il annonça que si, le surlendemain, le tremblement de terre n’avait pas cessé, lui et ses frères feraient par la ville une procession expia-