Page:Dumas - Le Capitaine Aréna.djvu/290

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accident, les moines désolés l’en supplièrent, mais il s’y refusa toujours afin de laisser cette tache à la vie de son rival.

Au reste, c’était une chose curieuse que ces haines de peintre à peintre, et qu’on ne retrouve que parmi eux Masaccio, le Dominiquin et Barroccio meurent empoisonnés ; deux élèves de Geni, élève du Guide, attirés sur une galère, disparaissent sans que jamais on ait pu apprendre ce qu’ils étaient devenus ; le Guide et le chevalier d’Arpino, menacés d’une mort violente, sont obligés de s’enfuir de Naples en laissant leur travaux interrompus ; enfin le Giorgione dut la vie à la cuirasse qu’il portait sur sa poitrine, et le Titien au couteau de chasse qu’il portait au côté.

Il est vrai aussi que c’était le temps des chefs-d’œuvre.

En revenant à l’hôtel, nous retrouvâmes notre calessino attelé. Le pauvre cheval avait eu un repos de deux heures et double ration d’avoine, mais sa charge s’était augmentée de deux lazzaronis et d’un second gamin.

Nous vîmes qu’il était inutile de protester contre l’envahissement, et nous résolûmes au contraire de le laisser aller sans aucunement nous y opposer. En arrivant à Résina nous étions au complet, et rien ne nous manquait pour soutenir la concurrence avec les nationaux, pas même la nourrice et la paysanne ; au reste, soit habitude, soit l’effet de la double ration d’avoine, la charge toujours croissante n’avait point empêché notre cheval d’aller toujours au galop.

À mesure que nous approchions, nous entendions s’augmenter la rumeur de la ville. Le Napolitain est sans contre dit le peuple qui fait le plus de bruit sur la surface de la terre : ses églises sont pleines de cloches, ses chevaux et ses mules tous festonnés de grelots, ses lazzaronis, ses femmes et ses enfans ont des gosiers de cuivre ; tout cela sonne, tinte, crie éternellement. La nuit même, aux heures où toutes les autres villes dorment, il y a toujours quelque chose qui remue, s’agite et frémit à Naples. De temps en temps une voix puissante fait le second dessus de toutes ces rumeurs, c’est le Vésuve qui gronde et qui prend part au concert éternel ; mais quelques efforts qu’il tente, il ne le fait pas taire, et