Page:Dumas - Le Capitaine Aréna.djvu/7

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Celui-là était depuis trois ans dans la maison ; et, comme il allait de mieux en mieux, il n’avait plus que cinq ou six mois à attendre la résurrection éternelle.

En sortant de cette chambre nous entendîmes de véritables rugissemens sortir d’une chambre voisine ; le baron nous demanda alors si nous voulions voir de quelle façon il traitait ses fous furieux : nous répondîmes que nous étions à ses ordres, pourvu qu’il nous garantît que nous nous en tirerions avec nos yeux : il se mit à rire, prit une clef des mains du gardien, et ouvrit la porte.

Cette porte donnait dans une chambre matelassée de tous côtés, et dans laquelle il n’y avait pas de vitraux, de peur sans doute que celui qui l’habitait ne se blessât en brisant les carreaux. Cette absence de clôture n’était, au reste, qu’un très-médiocre inconvénient, l’exposition de la chambre étant au midi, et le climat de la Sicile étant constamment tempéré.

Dans un coin de cette chambre il y avait un lit, et sur ce lit un homme vêtu d’une camisole de force qui lui serrait les bras autour du corps et lui fixait les reins à la couchette. Un quart d’heure auparavant il avait eu un accès terrible, et les gardiens avaient été obligés de recourir à cette mesure répressive, fort rare au reste dans cet établissement. Cet homme pouvait avoir de trente à trente-cinq ans, avait dû être extrêmement beau, de cette beauté italienne qui consiste dans des yeux ardens, dans un nez recourbé, et dans une barbe et des cheveux noirs, et était bâti comme un Hercule.

Lorsqu’il entendit ouvrir la porte, ses rugissemens redoublèrent ; mais à peine en soulevant la tête ses regards eurent-ils rencontré ceux du baron, que ses cris de rage se changèrent en cris de douleur, qui bientôt eux-mêmes dégénérèrent en plaintes. Le baron s’approcha de lui, et lui demanda ce qu’il avait fait pour qu’on l’attachât ainsi. Il répondit qu’on lui avait enlevé Angélique, et qu’alors il avait voulu assommer Médor. Le pauvre diable se figurait qu’il était Roland, et malheureusement, comme son patron, sa folie était une folie furieuse.

Le baron le tranquillisa tout doucement, lui assurant