Page:Dumas - Le Capitaine Aréna.djvu/78

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sée à son sommet, et qui descendait jusqu’à la mer car une inclinaison tellement rapide qu’il n’y avait que la friabilité du terrain même qui pût nous soutenir. Il n’y avait pas à reculer, il fallait s’en aller par là ou par le chemin que nous avions pris en venant. Nous nous aventurâmes sur cette mer de cendres. Outre sa position presque verticale, qui m’avait frappé d’abord, exposée tous les jours au soleil depuis neuf heures du matin jusqu’à trois heures de l’après-midi, elle était bouillante.

Nous nous y élançâmes en courant ; Milord nous précédait, ne marchant que par bonds et par sauts, ce qui donnait à son allure une apparence de gaieté qui faisait plaisir à voir. Je fis remarquer à Jadin que de nous tous c’était Milord qui paraissait le plus content, lorsque tout à coup nous avisâmes la véritable cause de cette apparente allégresse ; la malheureuse bête, plongée jusqu’au cou dans cette cendre bouillante, cuisait comme une châtaigne. Nous l’appelâmes ; il s’arrêta bondissant sur place : en un instant nous fûmes à lui, et Jadin le prit dans ses bras.

Le malheureux animal était dans un état déplorable : il avait les yeux sanglants, la gueule ouverte, la langue pendante ; tout son corps, chauffé au vif, était devenu rose-tendre ; il haletait à croire qu’il allait devenir enragé.

Nous-mêmes étions écrasés de fatigue et de chaleur ; nous avisâmes un rocher qui surplombait et qui jetait un peu d’ombre sur ce tapis de feu. Nous gagnâmes son abri, tandis qu’un de nos guides allait à une fontaine, qu’il prétendait être dans les environs, nous chercher un peu d’eau dans une tasse en cuir.

Au bout d’un quart d’heure nous le vîmes revenir : il avait trouvé la fontaine à peu près tarie ; il avait cependant, moitié sable moitié eau, rempli notre tasse. Pendant sa course, le sable s’était précipité ; de sorte qu’en arrivant le liquide était potable. Nous bûmes l’eau, Jadin et moi ; Milord mangea la boue.

Après une halte d’une demi-heure, nous nous remîmes en route toujours courant, car nos guides étaient aussi pressés que nous d’arriver de l’autre côté de ce désert de cendres. Nos