Page:Dumas - Le Capitaine Pamphile, 1875.djvu/262

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se faisait à six pour cent ; M. Samuel émettait d’abord tous les fonds ; puis il se chargeait ensuite de trouver des soumissionnaires. Cependant c’était à une condition sine quà non. Le cacique frémit et demanda quelle était cette condition. Le commis répondit que cette condition était de donner une constitution à son peuple.

Le cacique resta étourdi de la demande, non pas qu’il rechignât le moins du monde sur la constitution ; il connaissait la valeur de ces sortes d’écrits et en aurait donné douze pour mille écus, à plus forte raison une pour douze millions ; mais il ne savait pas que M. Samuel entreprît la liberté des peuples en partie double : il lui avait même entendu professer dans son patois, moitié allemand, moitié français, une profession de foi politique qui était si peu en harmonie avec la demande qu’il lui faisait faire à cette heure, qu’il ne put s’empêcher d’en manifester son étonnement au troisième commis.

Celui-ci répondit au cacique que Son Altesse ne s’était point trompée à l’endroit des opinions de son patron ; mais que, dans les gouvernements absolus, c’était le prince qui répondait des dettes de l’État, tandis que, dans les gouvernements constitutionnels, c’était l’État qui répondait des dettes du prince, et que, quelque fonds que fit M. Samuel sur la parole des rois, il avait encore plus de confiance dans les engagements des peuples.

Le cacique, qui était un homme de jugement, fut forcé d’avouer que ce que lui disait ce troisième commis ne manquait pas de raison, et que M. Samuel, qu’il avait pris pour un turcaret, était, au contraire, un homme fort