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Page:Dumas - Le Caucase, 1859.djvu/165

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15 centimes le Numéro
6 Mai 1859
No 21

LE CAUCASE
JOURNAL DE VOYAGES ET ROMANS
PARAISSANT TOUS LES JOURS

Nous commençons notre publication par le voyage d’ALEXANDRE DUMAS au Caucase.
Cette première publication de notre Journal, entièrement inédite, sera complète en trente numéros pour lesquels on s’abonne chez Jaccottet, rue Lepelletier, 31, et pour la vente, chez Delavier, rue Notre-Dame-des-Victoires, 11.

— Oui, princesse, jusqu’à l’entrée du bois, répondit celle-ci. Il était avec sa nourrice.

La princesse Annette souleva la tête avec effort ; on eût dit une morte se remuant dans sa bière.

— Lydie ? murmura-t-elle.

— Je ne l’ai pas vue, balbutia la Française.

La princesse Tchawtchawadzé laissa retomber sa tête.

— Mais que faites-vous donc là ? demanda la gouvernante à la princesse Varvara.

— Vous le voyez, ma bonne Drançay, je raccommode la tcherkesse de mon maître, répondit-elle avec un triste sourire.

La Française la lui prit des mains malgré elle, et se mit au travail à sa place.

En ce moment on amena la bonne des enfants de la princesse Annette. C’était une Géorgienne nommée Nianuka. La pauvre fille avait reçu trois coups de sabre sur la tête. Ses cheveux, qu’elle avait fort épais, avaient seuls empêché qu’elle eût le crâne fendu ; mais elle était couverte de sang, il ruisselait de ses épaules sur son dos.

Un coup de kangiar lui avait en outre mutilé la main ; un de ses doigts pendait, retenu seulement par le filet nerveux. La princesse Orbéliani déchira son col et ses manches, et pansa la main de la pauvre Nianuka.

Quant à la tête, mieux valait la laisser comme elle était ; les caillots qui s’y étaient formés avaient arrêté le sang : la nature avait elle-même posé l’appareil.

On se remit en chemin. Cette fois les deux princesses seules furent placées sur des chevaux, encore les sépara-t-on l’une de l’autre.

Les autres prisonnières marchaient à pied.

La gouvernante française et Nianuka faisaient route à côté