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Page:Dumas - Le Chevalier de Maison-Rouge, 1853.djvu/156

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LE CHEVALIER DE MAISON-ROUGE.

— Eh bien ! dit-il à Lorin, où est le conspirateur ?

— Comment ! où est le conspirateur ?

— Oui. Je vous demande ce que vous en avez fait ?

— Je vous le demanderai à vous-même : votre détachement, s’il a bien gardé les issues, doit l’avoir arrêté, puisqu’il n’était plus dans la maison quand nous y sommes entrés.

— Que dites-vous là ? s’écria le général furieux, vous l’avez donc laissé échapper ?

— Nous n’avons pu le laisser échapper, puisque nous ne l’avons jamais tenu.

— Alors, je n’y comprends plus rien, dit Santerre.

— À quoi ?

— À ce que vous m’avez fait dire par votre envoyé.

— Nous vous avons envoyé quelqu’un, nous ?

— Sans doute. Cet homme à habit brun, à cheveux noirs, à lunettes vertes, qui est venu nous prévenir de votre part que vous étiez sur le point de vous emparer de Maison-Rouge, mais qu’il se défendait comme un lion ; sur quoi, je suis accouru.

— Un homme à habit brun, à cheveux noirs, à lunettes vertes ? répéta Lorin.

— Sans doute, tenant une femme au bras.

— Jeune, jolie ? s’écria Maurice en s’élançant vers le général.

— Oui, jeune et jolie.

— C’était lui et la citoyenne Dixmer.

— Qui lui ?

— Maison-Rouge… Oh ! misérable que je suis de ne pas les avoir tués tous les deux !

— Allons, allons, citoyen Lindey, dit Santerre, on les rattrapera.

— Mais comment diable les avez-vous laissés passer ? demanda Lorin.

— Pardieu ! dit Santerre, je les ai laissés passer parce qu’ils avaient le mot de passe.

— Ils avaient le mot de passe ! s’écria Lorin ; mais il y a donc un traître parmi nous ?

— Non, non, citoyen Lorin, dit Santerre, on vous connaît, et l’on sait bien qu’il n’y a pas de traîtres parmi vous.

Lorin regarda tout autour de lui, comme pour chercher ce traître dont il venait de proclamer la présence. Il rencontra le front sombre et l’œil vacillant de Maurice.

— Oh ! murmura-t-il, que veut dire ceci ?

— Cet homme ne peut être bien loin, dit Santerre ; fouillons les environs ; peut-être sera-t-il tombé dans quelque patrouille qui aura été plus habile que nous et qui ne s’y sera point laissé prendre.

— Oui, oui, cherchons, dit Lorin.

Et il saisit Maurice par le bras ; et, sous prétexte de chercher, il l’entraîna hors du jardin.

— Oui, cherchons, dirent les soldats ; mais, avant de chercher….

Et l’un d’eux jeta sa torche sous un hangar tout bourré de fagots et de plantes sèches.

— Viens, dit Lorin, viens.

Maurice n’opposa aucune résistance. Il suivit Lorin comme un enfant ; tous deux coururent jusqu’au pont sans se parler davantage ; là, ils s’arrêtèrent, Maurice se retourna.

Le ciel était rouge à l’horizon du faubourg, et l’on voyait monter au-dessus des maisons de nombreuses étincelles.

.


CHAPITRE XXXII

la foi jurée



M aurice frissonna, il étendit la main vers la rue Saint-Jacques.

— Le feu ! dit-il, le feu !

— Eh bien ! oui, dit Lorin, le feu ; après ?

— Oh ! mon Dieu ! mon Dieu ! si elle était revenue ?

— Qui cela ?

— Geneviève.

— Geneviève, c’est madame Dixmer, n’est-ce pas ?

— Oui, c’est elle.

— Il n’y a point de danger qu’elle soit revenue, elle n’était point partie pour cela.

— Lorin, il faut que je la retrouve, il faut que je me venge.

— Oh ! oh ! dit Lorin.

— Tu m’aideras à la retrouver, n’est-ce pas, Lorin ?

    Santerre. Henriot, depuis le 3 mai, avait pris le commandement de la garde nationale.