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LE COLLIER DE LA REINE. 137

»» Ce qui n’empêchera pas que je prenne mon chocolat, ajouta la reine. Vite, vile, ma bonne Misery, ce beau soleil m’attire : il y aura du monde sur la pièce des Suisses.

— Votre Majesté se propose de patiner ? dit Philippe.

— Oh I vous allez vous moquer de nous, monsieur l’Américain, s’écria la reine, vous qui avez parcouru des lacs immenses, sur lesquels on fait plus de lieues qu’ici nous ne faisons de pas.

— Madame, répondit Philippe, ici Votre Majesté s’amuse du froid et du chemin : là- bas on en meurt.

— Ah ! voici mon chocolat : Andrée, vous en prendrez une tasse.

Andrée rougit de plaisir et s’inclina.

— Vous voyez, monsieur de Taverney, je suis toujours la même, l’étiquette me fait horreur comme autrefois ; vous souvient-il d’autrefois, monsieur Philippe , êtes-vous changé, vous ?

Ces mots allèrent au cœur du jeune homme ; souvent le regret d’une femme est un coup de poignard pour les intéressés.

— Non, madame, répondit-il d’une voix brève, non, je ne suis pas changé, de cœur au moins.

— Alors, si vous avez gardé le même cœur, dit la reine avec enjouement, comme le cœur était bon, nous vous en remercions à notre manière : une tasse pour monsieur de Taverney, madame Misery.

— Oh 1 madame, s’écria Philippe tout bouleversé, Votre Majesté n’y pense pas, un tel honneur à un pauvre soldat obscur comme moi.

— Un ancien ami, s’écria la reine, voilà tout Ce jour we fait monter au cerveau tous les parfums de la jeunesse ; ce jour me trouve heureuse, libre, fière, follet... Ce jour me rappelle mes /premiers tours dans mon Trianon chéri, et les escapades que nous faisions, Andrée et moi. Mes roses, mes fraises, mes verveines, les oiseaux que j’essayais à reconnaître dans mes parterres, tout, jusqu’à mes jardiniers chéris, dont &i bonnes ligures signifiaient 8.