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Le collier de la Reine

— Sir, un de mes officiers à commis contre la discipline une faute si grave, que j’ai pensé que Votre Majesté devait seule être juge de la cause.

— Oh ! monsieur de Suffren, dit le roi, j’espérais que votre première demande serait une faveur et non pas une punition.

— Sire, Votre Majesté, j’ai eu l’honneur de le lui dire, sera juge de ce qu’elle doit faire.

— J’écoute.

— Au dernier combat, cet officier dont je parle à Votre Majesté montait le Sévère.

— Oh ! ce bâtiment qui a amené son pavillon, dit le roi en fronçant le sourcil.

— Sire, le capitaine du Sévère avait en effet amené son pavillon, répondit monsieur de Suffren en s’inclinant, et déjà sir Hugues, l’amiral anglais, envoyait un canot pour amariner la prise ; mais le lieutenant du bâtiment, qui surveillait les batteries de l’entrepont, s’étant aperçu que le feu cessait, et ayant reçu l’ordre de faire taire les canons, monta sur le pont ; il vit alors le pavillon amené et le capitaine prêt à se rendre. J’en demande pardon à Votre Majesté, sire, mais à cette vue, tout ce qu’il y avait de sang français en lui se révolta. Il prit le pavillon qui se trouvait à portée de sa main, s’empara d’un marteau, et tout en ordonnant de recommencer le feu, il alla Clouer le pavillon au-dessous de la flamme. C’est par cet événement, sire, que le Sévère fut conservé à Votre Majesté.

— Beau trait ! fit le roi.

— Brave action ! dit la reine.

— Oui, sire, oui, madame ; mais grave rébellion contre la discipline. L’ordre était donné par le capitaine, le lieutenant devait obéir. Je vous demande donc la grâce de cet officier, sire, et je vous la demande avec d’autant plus d’instances qu’il est mon neveu.

— Votre neveu ! s’écria le roi, et vous ne m’en avez point parlé.

— Au roi, non ; mais j’ai eu l’honneur de faire mon rapport à monsieur le ministre de la marine, en le priant de