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Le collier de la Reine

vous entendre et de vous prouver combien j’ai pensé à vous.

— Sire, tant de bontés…

— Oh ! vous verrez mes cartes, monsieur le bailli ; vous verrez chaque phase de votre expédition prévue ou devinée d’avance par ma sollicitude. Venez, venez.

Puis, après avoir fait quelques pas, en entraînant monsieur de Suffren, il se retourna tout à coup vers la reine :

— À propos, madame, dit-il, je fais construire, comme vous savez, un vaisseau de cent canons ; j’ai changé d’avis sur le nom qu’il doit porter. Au lieu de l’appeler comme nous avions dit, n’est-ce pas, madame… Marie-Antoinette, un peu revenue à elle, saisit au vol la pensée du roi.

— Oui, oui, dit-elle, nous l’appellerons le Suffren, et j’en serai la marraine avec monsieur le bailli.

Des cris, jusque-là contenus, se firent jour avec violence : Vive le roi ! vive la reine !

— Et vive le Suffren ! ajouta le roi avec une exquise délicatesse ; car nul pouvait crier : Vive monsieur de Suffren ! en présence du roi, tandis que les plus minutieux observateurs de l’étiquette pouvaient crier : Vive le vaisseau de Sa Majesté !

— Vive le Suffren ! répéta donc l’assemblée avec enthousiasme.

Le roi fit un signe de remercîment de ce que l’on avait si bien compris sa pensée, et emmena le bailli chez lui.