Page:Dumas - Le Collier de la reine, 1888, tome 1.djvu/23

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— Vous, comtesse ! s’écria le maréchal ; vous la première ! Mon Dieu ! que vous êtes toujours belle et fraîche !

— Dites que je suis gelée, duc.

— Passez, je vous prie, dans le boudoir.

— Oh ! un tête-à-tête, maréchal ?

— À trois, répondit une voix cassée.

— Taverney ! s’écria le maréchal. La peste du trouble fête ! dit-il à l’oreille de la comtesse.

— Fat ! murmura madame Dubarry, avec uu grand éclat de rire.

Et tous trois passèrent dans la pièce voisine.


II

LAPEYROUSE.


Au même instant le roulement sourd de plusieurs voitures sur les pavés ouatés de neige avertit le maréchal de l’arrivée de ses hôtes, et bientôt après, grâce à l’exactitude du maître d’hôtel, neuf convives prenaient place autour de la table ovale de la salle à manger : neuf laquais, silencieux comme des ombres, agiles sans précipitation, prévenans sans importunité, glissant sur les tapis, passant entre les convives sans jamais effleurer leurs bras, sans heurter jamais leurs fauteuils, fauteuils ensevelis dans une moisson de fourrures, où plongeaient jusqu’aux jarrets les jambes des convives.

Voilà ce que savouraient les hôtes du maréchal ; avec la douce chaleur des poêles, le fumet des viandes, le bouquet des vins, et le bourdonnement des premières causeries après le potage.

Pas un bruit au dehors, les volets avaient des sourdines ; pas un bruit au dedans, excepté celui que faisaient les con-