Page:Dumas - Le Collier de la reine, 1888, tome 1.djvu/27

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— Une horrible déroute ! monsieur le comte, répondit Cagliostro en s’inclinant.

— Moins cruelle cependant que la déroute de Crécy, dit Condorcet en souriant.

— C’est vrai, monsieur, dit Cagliostro en souriant, la déroute de Crécy fut une chose terrible en ce que ce fut non-seulement une armée, mais la France qui fut battue. Mais aussi, convenons-en, cette déroute ne fut pas une victoire tout à fait loyale de la part de l’Angleterre. Le roi Edouard avait des canons, circonstance parfaitement ignorée de Philippe de Valois, ou plutôt circonstance à laquelle Philippe de Valois n’avait pas voulu croire quoique je l’en eusse prévenu, quoique je lui eusse dit que de mes yeux j'avais vu ces quatre pièces d’artillerie qu’Edouard avait achetées des Vénitiens.

— Ah ! ah ! dit madame Dubarry, ah ! vous avez connu Philippe de Valois ?

— Madame, j’avais l’honneur d’être un des cinq seigneurs qui lui firent escorte en quittant le champ de bataille, répondit Cagliostro. J’étais venu en France avec le pauvre vieux roi de Bohême, qui était aveugle, et qui se fit tuer au moment où on lui dit que tout était perdu.

— Oh ! mon Dieu ! monsieur, dit Lapeyrouse, vous ne sauriez croire combien je regrette qu’au lieu d’assister à la bataille de Crécy vous n’ayez pas assisté à celle d’Actium.

— Et pourquoi cela, monsieur ?

— Ah I parce que vous eussiez pu me donner des détails nautiques, qui, malgré la belle narration de Plutarque,, me sont toujours demeurés fort obscurs

— Lesquels, monsieur ? Je serais heureux si je pouvais vous être de quelque utilité.

— Vous y étiez donc ?

— Non, monsieur, j’étais alors en Egypte. J’avais été chargé par la reine Cléopâtre de recomposer la bibliothèque d’Alexandrie ; chose que j’étais plus qu’un autre à même de faire, ayant personnellement connu les meilleurs auteurs de l’antiquité.