Page:Dumas - Le Collier de la reine, 1888, tome 1.djvu/41

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faire faire le tour du monde. Vous me rendriez un signalé service.

Cagliostro ne répondit rien.

— Monsieur le maréchal, continua en riant le navigateur, puisque monsieur le comte de Cagliostro, et je comprends cela, ne veut pas quitter si bonne compagnie, — il faut que vous me permettiez de le faire. — Pardonnez-moi, monsieur le comte de Haga, pardonnez-moi, madame, mais voilà sept heures qui sonnent, et j’ai promis au roi de monter en chaise à sept heures et un quart. Maintenant, puisque monsieur le comte de Cagliostro n’est pas tenté de venir voir mes deux flûtes, qu’il me dise au moins ce qui m’arrivera de Versailles à Brest. De Brest au pôle, je le tiens quitte, c’est mon affaire. Mais, pardieu ! de Versailles à Brest, il me doit une consultation.

Cagliostro regarda encore une fois Lapeyrouse, et d’un œil si mélancolique, avec un air si doux et si triste à la fois, que la plupart des convives en furent frappés étrangement. Mais le navigateur ne remarqua rien. Il prenait congé des convives ; ses valets lui faisaient endosser une lourde houppelande de fourrures, et madame Dubarry glissait dans sa poche quelques-uns de ces cordiaux exquis qui sont si doux au voyageur, auxquels cependant le voyageur ne pense presque jamais de lui-même, et qui lui rappellent les amis absens pendant les longues nuits d’une route accomplie par une atmosphère glaciale.

Lapeyrouse, toujours riant, salua respectueusement le comte de Haga, et tendit la main au vieux maréchal.

— Adieu, mon cher Lapeyrouse, lui dit le duc de Richelieu.

— Non pas, monsieur le duc, au revoir, répondit Lapeyrouse. Mais, en vérité, on dirait que je pars pour l’éternité : le tour du monde à faire, voilà tout, quatre ou cinq ans d’absence, pas davantage ; il ne faut pas se dire adieu pour cela.

— Quatre ou cinq ans ! s’écria le maréchal. Eh ! monsieur, pourquoi ne dites-vous pas quatre ou cinq siècles ? Les jours sont des années à mon âge, adieu, vous dis-je.

— Bah ! demandez au devin, dit Lapeyrouse en riant ;